Au-delà du symbole, les enjeux de la mixité dans les conseils d’administration

24.05.2017

Résumé

Le 7 mars, veille de la journée internationale des droits des femmes, le taureau de Wall Street, sculpture de plus de 3 tonnes et symbole de la puissance financière américaine, qui régnait en maître absolu depuis 27 ans sur le quartier de Lower Manhattan, s'est trouvé de la compagnie. La statue d’une fillette installée par la société d'investissement State Street Global Advisors (SSGA) campe désormais fièrement devant l’animal. La Fearless Girl (la fillette sans peur) a été placée à cet endroit pour lancer et promouvoir une campagne dénonçant la sous-représentation des femmes à la direction des entreprises.

 Le 7 mars, veille de la journée internationale des droits des femmes, le taureau de Wall Street, sculpture de plus de 3 tonnes et symbole de la puissance financière américaine, qui régnait en maître absolu depuis 27 ans sur le quartier de Lower Manhattan, s'est trouvé de la compagnie. La statue d’une fillette installée par la société d'investissement State Street Global Advisors (SSGA) campe désormais fièrement devant l’animal. La Fearless Girl (la fillette sans peur) a été placée à cet endroit pour lancer et promouvoir une campagne dénonçant la sous-représentation des femmes à la direction des entreprises. Cette initiative revêt une importance significative pour State Street, qui gère majoritairement des fonds passifs. En effet, les grandes sociétés d'investissement spécialisées dans les stratégies de gestion passive, telles que SSGA, BlackRock et Vanguard, ont souvent été décriées pour ne pas avoir mené une politique d'engagement plus volontaire compte tenu des volumes d'actions qu'elles détiennent. Intuitivement, cela pourrait sembler évident pour un gérant actif qui peut menacer de céder sa position lorsqu’il est en désaccord avec les décisions prises par le conseil d'administration ou la direction. Or, les fonds passifs sont tenus de conserver leur exposition à l’entreprise dès lors qu'elle fait partie de l'indice. Mais alors, pourquoi ne pas transformer cet actionnariat contraint en une force d'influence pour améliorer la gouvernance et générer de la valeur à long terme ?!

 

Au niveau mondial, les encours gérés dans le cadre de stratégies passives en actions avoisinent actuellement 6 500 milliards de dollars[1]. Ainsi, le capital d'Apple, composante la plus importante des principaux indices mondiaux et américains de grandes capitalisations, est détenu majoritairement par des fonds passifs. Ces fonds représentent huit des dix plus grands détenteurs de FCP ou d’ETF, avec 8% du capital, et les institutionnels exposés de manière notable aux encours de gestion passive en détiennent presque 18%[2]. Pour l'anecdote, Warren Buffet possède environ 1% du capital d'Apple au travers de son fonds d'investissement Berkshire Hathaway. Ce qui n'est rien comparé à Vanguard, gigantesque fonds de gestion passive, qui en détient plus de 6%[3]. Il est évident qu'en contrôlant de tels volumes d'actifs, ces fonds disposent d'un levier puissant pour influencer positivement la gouvernance des entreprises et, en particulier, promouvoir l'accès des femmes aux organes de direction.

 

Un nombre croissant d’études, notamment celle menée par Crédit Suisse et MSCI, mettent en évidence l’existence d’un lien entre la performance à long terme d'une entreprise et l’amélioration de la mixité au sein de son conseil d'administration[4]. Outre le fait qu'une plus grande diversité de points de vue améliorerait la prise de décision et la qualité des discussions au sein du conseil et des équipes de direction, les femmes sont largement sous-représentées au regard de la place qu'elles occupent dans la population active et de leur pouvoir d'achat. Aux États-Unis par exemple, les femmes représentent 54% environ de la force de travail, toutes qualifications confondues, et 60% de la main d'œuvre qualifiée[5]. En outre, elles sont à l'origine ou jouent un rôle décisif dans 70 à 80% des dépenses de consommation[6]. Ces chiffres en disent long sur les avantages que toute entreprise aurait, pour sa réussite à long terme, à renforcer la représentativité au niveau de ses équipes, sans même parler des effets positifs sur les leviers de croissance de son chiffre d'affaires.

 

Du fait de la croissance exponentielle des volumes et de la portée des informations circulant sur les réseaux sociaux et les autres plateformes de communication, les positions des entreprises sur la multitude des problématiques ESG, telles que la diversité, seront rapidement accessibles à tous en temps réel. Aussi, même si elle ne croit pas au potentiel de création de valeur à long en terme, l'entreprise a néanmoins tout intérêt s'intéresser à ces questions pour ne pas mettre en péril sa réputation et se trouver contrainte de défendre sa marque. Le respect de la diversité peut également avoir des retombées économiques : plusieurs études montrent en effet que la génération Y et les femmes investissent et consomment davantage en fonction de leurs valeurs et non plus uniquement sur la base de considérations économiques rationnelles.

 

Le nombre de femmes siégeant dans les conseils d'administration a globalement augmenté, mais il subsiste d'importantes différences régionales et beaucoup de chemin reste à parcourir au niveau des postes de direction générale. En 2016, les femmes ne représentaient que 5,3% des membres des conseils d'administration japonais contre 20% aux États-Unis et 27% en Europe[7]. Heureusement, la tendance est à l'amélioration. Si l'Europe semble relativement bien placée avec 27%, il reste des marges de progression pour parvenir véritablement à l'équité en termes de représentation féminine et de diversité.

 

Source : Bloomberg

 

 

Néanmoins, une fois l’effet de communication passé, toute la question reste de savoir quel sera le degré d’engagement effectif des acteurs de la gestion passive sur ces questions. En effet, derrière le message et le symbolisme forts de la « fillette sans peur », le plan d'action réel de SSGA reste un peu vague.

 

 

« Nous privilégions une approche consistant à encourager la diversité au sein des conseils d'administration en menant une politique de dialogue et d'engagement actifs auprès de l’entreprise et des équipes de direction. Si, en dépit de tous nos efforts de dialogue, l'entreprise ne prend aucune initiative pour accroître le nombre de femmes au sein de son conseil d'administration, nous utiliserons notre pouvoir d'actionnaire pour la contraindre au changement en émettant, le cas échéant, un vote négatif contre la présidence du comité des nominations et/ou de gouvernance. »[8]

 

Dans un autre domaine, qui illustre bien toute la difficulté de transformer les bonnes intentions et le message marketing en initiatives concrètes, le poids lourd de la gestion passive, BlackRock, a multiplié les déclarations pour sensibiliser aux dangers du réchauffement climatique. « Les investisseurs ne peuvent plus ignorer le changement climatique. Les effets du changement climatique, perçus comme [des risques] encore lointains, ont été sous-évalués et insuffisamment pris en compte dans les valorisations », a déclaré Ewen Cameron-Watt, administrateur senior chez BlackRock dans un article publié par le Financial Times en septembre 2016[9]. Pourtant, plusieurs investisseurs institutionnels ont interpellé BlackRock pour ne pas avoir soutenu les résolutions sur le climat déposées par des groupes d'investisseurs aux assemblées générales d'ExxonMobil, d'Occidental et de Chevron, sur la seule année 2016.

 

Les gérants actifs de stratégies ESG en actions, tels qu'AllianzGI, considèrent depuis longtemps ce facteur comme une condition essentielle pour que les titres génèrent de la valeur à long terme. Ils prennent en compte la représentativité des femmes dans le cadre plus large des enjeux de gouvernance et améliorent ainsi les performances ESG globales. Les investisseurs actifs sont notamment mieux armés pour analyser les multiples volets de la diversité, sous l’angle notamment des compétences techniques requises, des contextes régionaux, de l'expérience du secteur, etc. Ils vont donc bien au-delà de la question basique sur le respect ou non de la parité homme-femme au sein des conseils d'administration.

 

Dans ce contexte, la réaction des gérants passifs, bien qu'encourageante, reste un peu tardive et timide, indépendamment de leurs bonnes intentions. La meilleure manière d'accélérer le changement est d'expliquer clairement aux dirigeants qu'en négligeant les règles de mixité au sein de l'équipe de direction, ils compromettent la performance du cours de l'action sur le long terme, tant en termes absolu que par rapport à leurs pairs. En outre, au-delà de la simple « incitation », il peut être plus efficace de mettre en place un processus intégré d'évaluation ESG qui diminue sensiblement la note ESG de la société si les femmes sont absentes des postes de direction et/ou si aucun plan d'action concret n'a été adopté pour améliorer leur représentation.

 

En synthèse, la reconnaissance des enjeux ESG et l'adoption de mesures dans ce domaine par les géants de la gestion passive auront nécessairement des retombées positives et contribueront à la sensibilisation aux questions de diversité au sein des conseils d'administration et des équipes dirigeantes des sociétés. Reste à savoir toutefois si ces investisseurs passifs pourront, au-delà des déclarations rhétoriques et de la démarche marketing, se muer en véritables catalyseurs de changement, à l'instar des gérants ESG actifs.

 

Christian McCormick, CFA
Spécialiste produit senior

Christian McCormick est spécialiste produit senior chez Allianz Global Investors, qu'il a rejoint en 2015. Il exerce principalement des fonctions de spécialiste produit senior sur les stratégies ESG et Best Styles aux États-Unis et au Canada. Ses responsabilités aux États-Unis couvrent également les autres stratégies actions de la société gérées en Europe. Christian McCormick bénéficie de 17 années d’expérience de l’investissement. Précédemment, il occupait les fonctions de directeur exécutif chez INTECH, où il assumait des responsabilités de spécialiste produit et au sein du service clients. Auparavant, il était conseiller en investissement pour Meketa Investment Group. M. McCormick a obtenu un B.A. en gestion des affaires et en études russes délivré par le Principia College. Il est titulaire de la certification CFA ainsi que des licences FINRA Series 7 et 63.


[1] Bloomberg

[2] https://finance.yahoo.com/quote/AAPL/holders?p=AAPL

[3] https://finance.yahoo.com/quote/AAPL/holders?p=AAPL

[4] http://www.prnewswire.com/news-releases/credit-suisse-research-institute-releases-the-cs-gender-3000-the-reward-for-change-report-analyzing-the-impact-of-female-representation-in-boardrooms-and-senior-management-300332558.html

[5] The Women’s Leadership Gap, Women’s leadership by the numbers (La sous-représentativité des femmes aux postes de direction, la place des femmes aux postes de direction en chiffres), Judith Warner, Center for American Progress, 7 mars 2014

[6] The Women’s Leadership Gap, Women’s leadership by the numbers (La sous-représentativité des femmes aux postes de direction, la place des femmes aux postes de direction en chiffres), Judith Warner, Center for American Progress, 7 mars 2014

[7] The Women’s Leadership Gap, Women’s leadership by the numbers (La sous-représentativité des femmes aux postes de direction, la place des femmes aux postes de direction en chiffres), Judith Warner, Center for American Progress, 7 mars 2014

[8] Lignes directrices de SSGA pour améliorer la mixité au sein des conseils d'administration, 7 mars 2017

[9] https://www.ft.com/content/e0c12344-736d-11e6-bf48-b372cdb1043a

Point sur le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat

08.06.2017

Résumé

En tant qu’investisseur actif d’envergure mondiale, AllianzGI continuera de soutenir les investissements en faveur de la transition énergétique et les initiatives visant à lutter contre le changement climatique.

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