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Investissement d’impact : la troisième dimension

par Matt Christensen | 14.10.2021

Résumé

Les investisseurs cherchent de plus en plus à obtenir un impact environnemental et social tout en dégageant de la performance. Or, l’investissement d’impact offre une solution à ce double objectif. Cette classe d’actifs en croissance rapide favorise les changements positifs pour la planète tout en trouvant un écho croissant auprès des investisseurs.

  • L’investissement d’impact, qui cible des avantages sociaux ou environnementaux mesurables en plus d’une performance financière, fait partie des classes d’actifs affichant la croissance la plus rapide ; la pandémie de Covid-19 a démultiplié l’intérêt pour ce type d’investissements.
  • Les investisseurs ne devraient pas avoir à arbitrer entre performance financière et impact – en fait, une meilleure quantification de l’impact pourrait contribuer à soutenir la performance financière.
  • L’émergence d’un ensemble de normes relatives à l’investissement d’impact rend les mesures et le reporting plus précis, tandis que la diversification des options d’investissement, tant sur les marchés publics que privés, rend l’investissement d’impact plus accessible.

Face à la fréquence accrue des catastrophes naturelles et des mouvements sociaux, des inondations aux feux de forêt, de #MeToo à Black Lives Matter, l’objectif personnel de rendre le monde meilleur s’est transformé en une nécessité mondiale. Avec son “code rouge pour l’humanité”, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne l’urgence d’agir.

Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a révélé de profondes inégalités sociales. Les investisseurs ont pris conscience de leur rôle et devraient contribuer à réduire ces déséquilibres. Dans les pays en développement, on estime que la pandémie a amplifié le manque de financement nécessaire pour atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) à l’horizon 20301. Dans le contexte de la pandémie, les estimations précédentes des 2 500 milliards USD par an dont auraient besoin les pays en développement pour atteindre les objectifs se sont alourdies de 1 700 milliards USD supplémentaires en 2020.

En termes de lutte contre le changement climatique, l’année 2021 pourrait marquer un tournant. L’année, qui a débuté par le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris, a été marquée par des événements climatiques extrêmes et s’achèvera par la COP26, qui est sans doute le sommet international le plus important de tous les temps sur la question climatique.

Alors que les investisseurs prennent conscience de leur rôle dans la lutte contre les enjeux environnementaux et sociaux, toute la difficulté consiste à réunir le double objectif de “faire le bien” et de “générer de la performance” au sein d’un même investissement. L’investissement d’impact offre une solution en proposant une trajectoire crédible et évolutive vers un équilibre entre impact environnemental ou social ciblé, mesurable et positif d’une part, et performance financière d’autre part. En conséquence, l’investissement d’impact, auparavant l’apanage des placements directs sur les marchés privés, est devenu un segment de marché significatif en pleine croissance. Alors que les investisseurs raisonnaient auparavant exclusivement en termes de couple risque-rendement, ils peuvent aujourd’hui ajouter une troisième dimension à leurs portefeuilles : l’impact.

La multiplication des opportunités dope la croissance de l’investissement d’impact

D’après une récente étude sur les marchés privés, l’investissement d’impact ne représente pour le moment que 0,5 % des actifs mondiaux et un encours sous gestion de 715 milliards USD2. Mais il se développe à vive allure : le volume des investissements à impact a augmenté de 77 % par an entre 2017 et 20193.

La croissance de l’investissement d’impact est en partie tirée par l’augmentation des opportunités d’investissement dans les différentes classes d’actifs. Les investisseurs peuvent s’exposer via les obligations, les actions, l’immobilier et autres actifs réels ainsi que les véhicules de capital-investissement et de capital-risque.

Comment le secteur s’assure de l’impact des investissements

La trajectoire de croissance future de l’investissement d’impact dépend de la capacité du secteur à expliquer où les capitaux sont dirigés et pourquoi, et comment mesurer et publier l’impact. La définition d’un taux de rendement acceptable ou compétitif continue de faire débat (cf. chapitre distinct en fin de document, intitulé “Investissement d’impact : qu’est-ce qu’une performance acceptable ?”).

Un consensus a émergé sur le fait que les investissements d’impact devaient contribuer à au moins un (de préférence plusieurs) des 17 ODD des Nations unies. L’implication du secteur privé sera déterminante dans la réalisation de ces objectifs, notamment parce que le montant des investissements nécessaires au financement des ODD ne cesse d’augmenter.

Afin d’encadrer les investissements d’impact, le Global Impact Investing Network (GIIN) a défini plusieurs exigences (cf. tableau). Alors que le secteur s’unit autour de ces normes, un nombre croissant d’acteurs des marchés privés développe des initiatives autour de ces exigences minimales, identifiant les bonnes pratiques et les processus d’audit pour les projets et investissements à impact. Citons notamment les Operating Principles for Impact Management et l’Impact Management Project4,5. En fixant des exigences strictes en matière de transparence et de reporting, le secteur peut tenir ses promesses et se protéger des accusations d’”impact washing”, tendance de certains fonds à revendiquer des investissements d’impact non étayés par un impact positif pertinent et démontrable. Par ailleurs, le suivi de la trajectoire des investissements par rapport aux attentes en matière d’impact contribue à améliorer la prise de décision et les résultats.

Normes du Global Impact Investing Network relatives à l’investissement d’impact

Intentionnalité
L’intention d’atteindre un impact clairement défini doit être présente
Causalité
La capacité à prouver l’effet positif de l’investissement (le GIIN fournit différents niveaux de causalité directe)
Mesurabilité
L’atteinte partielle ou totale de l’impact souhaité doit être mesurée par un ensemble clairement défini d’indicateurs clés de performance (ICP)
Reporting
L’impact doit être publié de manière périodique et transparente

Source : Global Impact Investing Network.

L’ampleur et la profondeur du marché de l’impact se développent très rapidement

La notion de “co-investissement” avec des organismes souverains et privés pour accompagner les stratégies de transition peut faire partie intégrante de l’investissement d’impact. Exemple : la croissance de la dette labellisée ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) – une classe d’actifs qui aurait culminé à 2 000 milliards USD au deuxième trimestre 20216. La majorité de cette dette provient d’obligations vertes, sociales et durables (GSS) dont les produits sont affectés à des projets spécifiques avec une exigence d’audit permanent, mais ces obligations sont complétées par d’autres structures.

L’investissement d’impact peut également s’étendre au financement mixte où les capitaux des institutions publiques et des fonds philanthropiques peuvent être regroupés pour créer des opportunités à l’intention d’investisseurs. Les nations souveraines jouent également le jeu avec des investissements d’impact complétant des initiatives telles que les prêts de l’Association internationale de développement (Banque mondiale) aux économies à bas revenus7. En début d’année, le Bénin a émis la première obligation sociale d’Afrique sur les marchés internationaux afin d’améliorer l’accès de ses 12 millions d’habitants à l’eau potable.

De l’identification des risques à l’élaboration de solutions

L’approche d’investissement “best-in class”8 est une façon reconnue et acceptée de diriger le capital vers les entreprises affichant un profil durable supérieur à leurs pairs ou meilleur que la moyenne. Toutefois, ce cadre a tendance à éviter les entreprises présentant des profils durables moins favorables au lieu de privilégier celles axées sur de nouvelles technologies et services proposant des solutions.

L’investissement d’impact aborde cette notion aussi bien au niveau des solutions que de l’éventail d’opportunités. De nombreuses opportunités “handprint”, qui cherchent à fournir une contribution positive aux objectifs de développement durable, touchent aux nouvelles technologies et services qui modifient fondamentalement notre quotidien. Ces technologies et services se situent souvent à un stade de développement précoce, un domaine généralement réservé au capital-risque et au capital-investissement.

Néanmoins, on observe une tendance au développement de ces solutions et à leur application à plus grande échelle susceptible d’influencer les secteurs et les régions. Son déploiement dans le public comme dans le privé permet à l’investissement d’impact de couvrir l’intégralité du spectre des opportunités. Son succès réside dans sa capacité à répondre à l’évolution des besoins des clients en proposant une perspective en trois dimensions (risque, rendement et impact) et en démontrant que la finance peut dégager des résultats sociétaux positifs.

Investissement d’impact : qu’est-ce qu’une performance acceptable ?

À mesure que se développent les opportunités dans l’investissement d’impact, l’attention se tourne vers le second objectif de l’impact (“dégager de la performance”) et plus précisément sur ce qui constitue un taux de rendement acceptable ou compétitif. Les opinions sur cette question varient et se sont diversifiées ces dernières années. Pour nombre d’entre nous, une des promesses sous-jacentes de l’investissement est une “performance financière ajustée du risque”. Mais comment la performance peut-elle tenir compte des risques non financiers et comment l’ajout d’une composante non financière peut-elle être quantifiée pour compléter une performance financière ?

Le secteur de la finance continue d’affiner la méthodologie d’intégration des facteurs ESG ou durables dans les décisions d’investissement, mais leur intégration formelle dans des modèles d’évaluation pour les investissements pose des difficultés. Les investisseurs se sont toujours axés sur la cyclicité et les tendances séculaires à long terme, mais nous observons un intérêt croissant pour les tendances structurelles, autrement dit, la façon dont un secteur ou une entreprise s’aligne sur l’évolution des attentes dans l’économie moderne. Nous estimons que le positionnement structurel deviendra un facteur clé des valorisations.

Associé aux attentes fluctuantes des parties prenantes, le positionnement d’une entreprise ou d’un secteur dans l’économie moderne pourrait avoir un impact significatif sur les hypothèses en matière de taux de croissance, de taux de marge, de coût moyen pondéré du capital et, au bout du compte, sur l’accès à la liquidité. Nous utilisons le terme de “partie prenante”, qui recouvre mieux l’éventail de ceux qui évaluent les biais comportementaux. Pour faire simple, plus l’univers d’investisseurs potentiels d’une entité est étroit, plus les options de financement seront limitées et plus les coûts de capital relatifs seront élevés. D’une autre côté, ces secteurs, entreprises et projets destinés à fournir des solutions devraient profiter du changement de perception positif. En élargissant l’accès à un plus vaste public, l’investissement d’impact peut augmenter les options de financement, abaisser les coûts de financement et améliorer la viabilité financière globale.

Mesurer la performance d’un impact

Les travaux sur le calcul de la valeur des rendements non financiers ont donné naissance à des indicateurs tels que le retour social sur investissement (SROI) ou “l’impact multiple of money” (IMM)9. Une fois que l’impact visé a été identifié (ainsi que la pertinence d’un projet ou d’un produit en lien avec cet impact), il est possible d’estimer la valeur économique de ces impacts avec des ajustements en fonction du risque appropriés, et donc de calculer une valeur finale estimée. Puis sur la base du degré de risque associé au projet ou au produit, une décote appropriée peut être appliquée pour calculer le retour social sur investissement ou le rendement d’impact. Ce domaine de recherche devrait continuer de se développer.

Arguments en faveur des performances de marché (non optimisées)

En supposant que l’on puisse calculer et attribuer précisément les performances financières et non financières d’un investissement, il reste encore à régler l’épineuse question de l’équilibre entre les deux. Selon nous, les investisseurs n’ont pas à arbitrer entre impact et performances financières. En effet, alors que les performances non financières deviennent un facteur de plus en plus important, elles pourraient fournir un support technique marqué.

Toutefois, les taux de rendement optimisés devraient être plus difficiles à atteindre que les taux de rendement de marché. La différence réside dans l’attribution des risques et les ajustements associés au taux de rendement attendu. En effet, l’évolution rapide des perceptions et l’attribution des facteurs de risque durables pourraient fortement influer sur les performances attendues.

Nous apprécions la notion de développement durable impliquant un « handprint » positif en amélioration associé à une diminution du “footprint”10. Plus le secteur de l’investissement d’impact pourra qualifier et quantifier les performances non financières, plus celles-ci seront susceptibles de compléter, mais aussi et surtout de soutenir les performances financières.

1. Source : Impact Investing Institute.
2. Source : Global Impact Investing Network.
3. Source : GP Bullhound.
4. Source : Operating Principles for Impact Management.
5. Source : Impact Management Project.
6. Source : Morgan Stanley ESG Labelled Debt Quarterly Tracker.
7. Économies dont le revenu national brut par habitant est égal ou inférieur à 1.045 USD en 2020. Source : Banque Mondiale.
8. L’investissement ESG ou durable “best-in-class” désigne la construction de portefeuilles par la sélection active des entreprises ou émetteurs remplissant un seuil défini de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Généralement, les membres d’un univers d’investissement sont évalués par comparaison avec des indicateurs ESG spécifiques et un classement relatif de ces membres est établi. Un seuil à partir duquel les membres seront considérés comme affichant des caractéristiques “best-in-class” est défini.
9. Source : Harvard Business Review.
10. Utilisé pour la première fois en 2007 à l’occasion de la quatrième Conférence internationale sur l’éducation relative à l’environnement de l’UNESCO, le terme “handprint” (contribution qui produit un changement positif dans le monde) apparaît dans de nombreuses initiatives, notamment la Décennie des Nations unies pour l’éducation en vue du développement durable (2009). Le “handprint” désigne l’impact environnemental et social au sens large qu’une entreprise peut créer en dehors de sa propre empreinte (« footprint »). Il est possible de réduire le “footprint” en réduisant la quantité et l’ampleur de la consommation, par exemple via des exclusions sélectives ou une intégration ESG rigoureuse. Un “handprint” positif peut être obtenu en investissant dans les catalyseurs clés de solutions à long terme facilitant un mode de vie plus durable au-delà de notre consommation (ODD, orientation stratégique et portée évolutive).

Tout investissement comporte des risques. La valeur et le revenu d’un investissement peuvent diminuer aussi bien qu’augmenter et l’investisseur n’est dès lors pas assuré de récupérer le capital investi. Les avis et opinions exprimés dans la présente communication reflètent le jugement de la société de gestion à la date de publication et sont susceptibles d’être modifiés à tout moment et sans préavis. Certaines des données fournies dans le présent document proviennent de diverses sources et sont réputées correctes et fiables a la date de publication. Les conditions de toute offre ou contrat sous-jacent, passé, présent ou à venir, sont celles qui prévalent. La reproduction, publication ou transmission du contenu, sous quelque forme que ce soit, est interdite ; excepté dans les cas d’autorisation express d’Allianz Global Investors GmbH.

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À propos de l’auteur

 Matt Christensen

Matt Christensen

Responsable mondial de l’investissement durable et d’impact

Matt Christensen est responsable de l’investissement d’impact sur la plateforme de marchés privés de l’entreprise, en pleine expansion. Pour les marchés cotés, il dirige l’intégration continue des facteurs ESG dans la gamme de produits existante d’AllianzGI, y compris les activités de gouvernance d’entreprise, et accompagne le développement de nouveaux produits ISR.

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