On a souvent l'impression de faire un meilleur choix santé en mangeant du poisson. Il est vrai qu'en règle générale, le poisson contient moins de graisses saturées que la viande et une plus grande variété de nutriments intéressants, comme les huiles riches en oméga 3, réputées réduire le risque de maladies cardiovasculaires. Lorsque l'on en consomme au restaurant, on se dit que le prix élevé est justifié par la satisfaction de consommer un poisson fraîchement pêché et préparé localement. Les plus fervents défenseurs de l'environnement se plaisent également à vanter son empreinte carbone plus favorable par rapport à une portion de bœuf, de porc ou de poulet.

À première vue donc, le poisson semble une alternative plus durable à la viande. Dans leur milieu naturel, les poissons herbivores se nourrissent d'algues, et se font à leur tour manger par les poissons carnivores. Le processus ne nécessite aucune déforestation pour le pâturage, aucune terre autrement productive n'est affectée à la production des aliments et aucune intervention chimique n'est requise pour augmenter l'offre ou la maintenir à niveau. Mais quand elle prend une dimension industrielle, la pêche a en revanche des conséquences évidentes sur l'environnement : surpêche, destruction des écosystèmes et bien entendu, pollution plastique causée par les équipements de pêche. Selon Greenpeace, les « engins fantômes » représentent 10% de la pollution plastique des océans.¹

La pisciculture pour combler les lacunes de la pêche industrielle

La pisciculture, ou « aquaculture », apporte des solutions à certaines de ces problématiques. Les poissons d'élevage les plus courants sont la carpe et le tilapia, tous deux cultivés en eau douce, à l'intérieur des terres. Le saumon, la plus courue des espèces aquacoles, est élevé dans des eaux marines côtières. Ici non plus, aucune forêt sacrifiée. Et s'il est vrai que l'on nourrit les poissons d'élevage avec des céréales, leur transformation en protéines (indice de consommation) est 5x plus efficace que dans le cas du bœuf.² Un indice de consommation (« Feed Conversion Ratio ») plus élevé indique que la production de poissons requiert moins de ressources que celle du bœuf. Les avantages sont donc aussi bien économiques qu'environnementaux.

Dans ce contexte, la consommation de poisson a explosé. Ceci est dû en partie à l'augmentation de la population mondiale, qui devrait atteindre 9 milliards d'habitants d'ici 2050. Mais selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la consommation mondiale de poisson a augmenté deux fois plus vite que la croissance démographique depuis 1961, soit à un rythme de 3,1% par an.³ La demande absolue de protéines a été stimulée par la hausse des revenus moyens, et le statut du poisson de même que la perception de ses bienfaits pour la santé en ont encouragé la consommation, au point tel que cette dernière croît désormais plus vite que pour toute autre protéine animale.⁴

L'aquaculture est venue répondre à cette demande. Comme le montre le graphique de la FAO ci-dessous, le volume de poissons pêchés au moyen de méthodes traditionnelles stagne depuis le milieu des années 1990, alors que les fermes piscicoles ne cessent de se multiplier. Et pourtant, bien qu'elle comporte de nombreux avantages par rapport à la pêche en mer et à l'élevage de viande, l'aquaculture n'est pas sans poser problème.

Le saumon représente environ 5% de tous les poissons d'élevage consommés dans le monde, soit 2,4 millions de tonnes chaque année.⁵ En termes de revenus, le saumon et les autres espèces apparentées comptent pour près de 20% de l'ensemble des échanges internationaux de poisson.⁶ L'ampleur de ce sous-secteur est telle qu'on ne peut l'ignorer. has therefore made it impossible to ignore.

Les grands défis de la salmoniculture

L'élevage de saumon est source de trois problèmes majeurs, au premier rang desquels les poux de mer. Ces crustacés présents sur les poissons sauvages parasitent les saumons sains, et se nourrissent de leur peau et de leur sang. À l'instar des poux de tête dans la population humaine, ils infestent les piscicultures les plus denses, et peuvent causer une forte mortalité.⁷

Mais pour lutter contre le pou du poisson, les exploitations aquacoles ont recours à des produits chimiques puissants, qui sont tout aussi problématiques. Au fil du temps, les poux ont développé une résistance à ces produits, ce qui nécessite l'utilisation de traitements de plus en plus forts. Combinés aux antibiotiques destinés à traiter d'autres maladies, ils nuisent à la santé des saumons d'élevage et, une fois rejetés en mer, à l'écosystème environnant.

Cette relation entre densité et environnement est également au cœur du troisième problème : l'effluent. Comme les vaches, les moutons ou tout autre animal d'élevage, les saumons produisent des excréments. Sans une élimination appropriée, la matière organique peut atteindre des niveaux qui déstabilisent les écosystèmes locaux, un phénomène connu sous le nom d'eutrophisation. Lorsque des effluents riches en nutriments s'accumulent, les algues se développent et se décomposent, ce qui acidifie l'eau de mer et finit par réduire la teneur en oxygène. Il en résulte un environnement acide, pauvre en oxygène, qui ne convient pas à la vie marine.

Un cadre réglementaire de plus en plus strict

Ces problématiques ont été entendues par les régulateurs nationaux et internationaux :

• La Norvège, l'un des premiers pays à avoir développé l'élevage du saumon à une échelle industrielle, a introduit en 2005 une loi sur l'aquaculture, spécialement conçue pour promouvoir le « développement durable » du secteur.⁸
• Depuis, les Nations unies ont élaboré des cadres réglementaires clairs pour la gestion des questions environnementales dans l'aquaculture.⁹ Et, en décembre 2020, le ministre canadien de la pêche a choisi de ne pas renouveler les licences de 19 fermes à saumon, dénonçant explicitement leur impact néfaste sur les espèces locales.

Face à ce danger environnemental et à une réglementation toujours plus stricte, le secteur vit aujourd'hui une véritable crise existentielle. D'une part, la production de poisson se voit diminuée par la problématique des poux de mer. Et d'autre part, les opérateurs sont confrontés à une montée des restrictions et des coûts qu'elles engendrent. Alors que la demande mondiale de saumon augmente, l'offre reste contrainte par l'existence même du secteur. C'est pourquoi depuis 2004, les prix mondiaux du saumon s'envolent, avec une volatilité particulièrement marquée ces cinq dernières années.

Prix des exportations de saumon frais en Norvège (NOK/kg)

Une solution innovante : l'élevage de saumon à terre

L'élevage de saumon terrestre peut être une solution. Le saumon adulte est un poisson marin d'eau froide, que l'on trouve généralement dans les lochs écossais ou les fjords norvégiens. Historiquement, les fermes d'élevage de saumon ont toujours tenté de reproduire de la manière la plus fidèle possible l'habitat naturel des poissons, avec toutes les conséquences que cela implique. Une fois pêché, le poisson doit être congelé et transporté, souvent par voie aérienne afin d'éviter toute détérioration, jusqu'à l'endroit où il va être consommé. Mais une technologie connue sous le nom de Systèmes d'aquaculture en recirculation (RAS) permet désormais de se passer de ces étapes.

Dans un RAS, le saumon est élevé dans de grands bassins intérieurs, dont chaque élément est surveillé et contrôlé, de la température à l'éclairage, en passant par les déchets et même les courants artificiels. D'un point de vue environnemental, ce système en circuit fermé permet d'extraire, de traiter et d'éliminer les effluents en toute sécurité, tout en éliminant toute exposition aux parasites ou aux maladies transmises par voie maritime. L'eau elle-même est purifiée et réutilisée. Si la technologie n'est en soi pas nouvelle, la hausse des prix et les pressions du secteur ont contribué à la rendre commercialement viable.

Facteurs clés pour des solutions durables d'élevage de saumon en eau intérieure

Nous recherchons des entreprises qui apportent des solutions durables face à l'augmentation de la demande de nourriture au niveau mondial. Nous pensons par exemple à cette entreprise norvégienne qui possède des élevages intérieurs sur deux des plus grands marchés mondiaux du saumon. Ses sites de production au Danemark et en Floride permettent non seulement de relever les défis environnementaux du secteur, mais ils sont aussi beaucoup plus près du consommateur. Les produits sont donc plus frais, tandis que les coûts de transport et les émissions associées sont réduits.

Ces avantages environnementaux s'accompagnent d'avantages financiers. Le circuit fermé RAS limite naturellement le développement des parasites et des maladies, ce qui permet de réduire les pertes et la nécessité de recourir à des traitements chimiques coûteux. Dans le même temps, le fait de retenir les effluents au sein même du RAS fait baisser l'empreinte environnementale et, parallèlement, la probabilité que des mesures correctrices coûteuses doivent être prises par les régulateurs. Les effluents pourraient ainsi ne plus représenter un coût potentiel, et même devenir une nouvelle source de revenus. S'ils sont traités de façon adéquate, les excréments de poisson peuvent être utilisés comme engrais, générer des revenus et améliorer encore davantage la contribution de l'agriculture à l'environnement.

Des entreprises qui cherchent à répondre aux préoccupations des consommateurs soucieux de l'environnement

La dynamique d'offre et de demande devrait se maintenir sur le marché du saumon avec l'augmentation de la population mondiale et du revenu moyen. Et si les coûts initiaux et les défis techniques de l'élevage terrestre peuvent être plus élevés, les dépenses de fonctionnement quotidiennes sont moindres grâce à l'automatisation et à la réduction des taux de mortalité dus aux maladies. La demande devrait donc être soutenue par des consommateurs de plus en plus soucieux de l'environnement. La Floride abrite ainsi une ferme aquacole terrestre qui produit actuellement 9 500 tonnes de saumon chaque année. L'entreprise prévoit une production 23 fois plus élevée d'ici 2031, soit 41% du saumon qui est consommé aujourd'hui annuellement aux États-Unis.

Ce modèle d'affaires attrayant montre donc qu'il est possible de dégager de belles opportunités commerciales en s'attaquant de plein fouet aux problématiques liées aux questions de durabilité. Plus largement, il illustre la manière dont un secteur dont nous sommes de plus en plus dépendants est contraint d'innover pour assurer sa survie à long terme. En tant qu'investisseurs, nous sommes particulièrement bien placés pour contribuer à façonner ces transitions dans l'intérêt de nos clients et de l'ensemble de la société.

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¹ https://www.greenpeace.de/sites/www.greenpeace.de/files/publications/20190611-greenpeace-report-ghost-fishing-ghost-gear-deutsch.pdf
² https://web.archive.org/web/20160616072736/http://lib.dr.iastate.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1027&context=driftlessconference
³ La situation des pêches et de l'aquaculture 2020, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture http://www.fao.org/3/ca9229en/ca9229en.pdf p.3
⁴ Ibid p.3
⁵ Ibid p.46
⁶ Ibid p.100
⁷ https://www.nhm.ac.uk/discover/the-problem-of-sea-lice-in-salmon-farms.html
⁸ http://www.fao.org/fishery/legalframework/nalo_norway/en
⁹ http://www.fao.org/3/bb124e/bb124e.pdf

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