Résumé
Les acteurs des marchés financiers semblent penser qu'une récession pourrait être évitée, l’inflation reflue, ce qui ouvrirait la voie à un assouplissement des politiques monétaires. Mais les risques géopolitiques sont toujours bien présents, la question se pose de savoir dans quelle mesure ce ressenti reflète la réalité.
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Ressenti et réalité
Dr. Hans-Jörg Naumer / 01.03.2023
De plus en plus, les acteurs des marchés financiers semblent penser qu'une récession pourrait être évitée. Dans le même temps, l’inflation reflue, ce qui ouvrirait la voie à un assouplissement des politiques monétaires. La dernière enquête menée par Bank of America auprès des gestionnaires de fonds du monde entier semble confirmer ces perspectives. Sans tenir compte du fait que cette attitude néglige les risques géopolitiques, toujours bien présents, la question se pose de savoir dans quelle mesure ce ressenti reflète la réalité.
Avec l’abandon plus rapide que prévu de la politique « zéro Covid » en Chine et le choc des prix de l’énergie moins important qu’attendu en Europe, deux risques importants pour l’économie mondiale se trouvent certes limités, mais cette réalité doit encore se refléter dans les statistiques générales. Notre indicateur macroéconomique de la dynamique conjoncturelle (« Indice Macro Breadth Growth »), qui couvre un vaste éventail de plus de 200 ensembles de données, a reculé pour le quatorzième mois consécutif en janvier. Presque tous les grands pays industrialisés et émergents ont enregistré une dégradation, à l’exception notable de la zone euro (troisième mois d’amélioration) et de l’Inde. Concernant l’économie américaine en revanche, impossible pour l'heure de déterminer avec certitude si elle pourra échapper ou non à la récession. Le dynamisme du marché de l’emploi (taux de chômage au plus bas depuis 53 ans) s'inscrit en soutien des États-Unis, malgré des risques qui subsistent.
L’inflation, en perte de vitesse, montre des signes d’apaisement. Notre indicateur macroéconomique de la dynamique inflationniste (« Indice Macro Breadth Inflation ») s’est par ailleurs inscrit en baisse pour la sixième fois consécutive. Bien que cette tendance ait été confirmée par le ralentissement de la hausse des prix à la consommation dans le monde en décembre (6,7 % après un pic à 7,8 % au troisième trimestre 2022), la pression sous-jacente sur les prix reste beaucoup trop forte.
La décélération de la hausse des taux d’inflation en comparaison annuelle ne doit pas être interprétée comme le signe d’une désinflation durable et généralisée. En effet, les événements passés démontrent que le reflux de l’inflation tend à s’effectuer progressivement et sur plusieurs années. Viennent s'ajouter à cela les facteurs séculaires exerçant une influence sur les prix que sont la Démographie, la Démondialisation et la Décarbonation. Par ailleurs, les moteurs inflationnistes gagnent désormais les composantes de base du panier de consommation, notamment parce que la hausse des prix de l’énergie ou des coûts salariaux, par exemple, est répercutée sur les consommateurs.
Dans ce contexte, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) devraient poursuivre le durcissement de leur poli-ique monétaire, ce qui ne sera pas du goût de ceux qui espèrent un revirement monétaire rapide et une baisse des taux d’intérêt. De son côté, la Banque du Japon (BoJ) ne semble plus vouloir rester inactive : l’assouplissement du contrôle de la courbe des taux, qui autorise à nouveau les rendements obligataires à augmenter (légèrement), devrait être interprété comme une première étape de la BoJ vers l’abandon de l’environnement prolongé de taux nuls, voire négatifs.
En fin de compte, cela signifie que les risques conjoncturels ne sont toujours pas écartés. Les pressions inflationnistes devraient nous accompagner encore un certain temps. La politique monétaire pourrait rester restrictive plus longtemps que ne le pensent actuellement les marchés monétaires.
Focus sur les marchés
Allocation tactique actions et obligations
- Les valorisations sur les marchés des actions, des emprunts d’État et des obligations d’entreprises sont désormais proches du niveau neutre, mais ne peuvent pas encore être qualifiées d'avantageuses.
- En particulier, les actions américaines se négocient à un niveau élevé notamment dû à leur statut de « valeur refuge » qui tend à se traduire par une hausse des valorisations.
- Les gestionnaires de fonds du monde entier demeurent sceptiques et adoptent toujours un positionnement prudent. Parallèlement, les craintes de récession se sont apaisées, selon l’enquête de Bank of America. Les inves-tisseurs n’ont que légèrement étoffé leur part de liquidités, étonnamment élevée en comparaison à long terme. En d’autres termes, les plus décisifs sur les marchés financiers devraient avoir la possibilité de relever la pondération des actions, ce qui devrait globalement profiter au segment.
- Alors que du point de vue de la stratégie à long terme, les actions devraient être privilégiées pour leur potentiel de rendement, une pondération neutre des actions et des obligations s’impose dans une approche tactique à court terme.
Thème d’investissement
Dividendes – La stabilité en périodes de turbulences
- La reprise des distributions de dividendes après la pandémie de 2020 s’est poursuivie en 2022. La part des entreprises du STOXX Europe 600 qui versent des dividendes n’a certes pas encore renoué avec le niveau de 2019, avant la pandémie, mais elle a continué de progresser l’année dernière pour venir tutoyer le seuil de 90%. Au sein du S&P 500 par contre, la part des entreprises distribuant des dividendes a déjà presque retrouvé ses niveaux prépandémie.
- Les investisseurs en actions européennes ont notamment profité de distributions élevées par le passé, lesquelles ont contribué à stabiliser la performance globale lors des années de performances négatives, comme en témoigne l'analyse des données pour la période 1978-fin 2022, découpée en tranches de cinq ans. Les dividendes ont permis de compenser une partie des pertes en termes de rendement annualisé sur cinq ans.
- Sur l’ensemble de la période comprise entre 1978 et fin 2022, les dividendes ont contribué au rendement global annualisé des actions du MSCI Europe à hauteur d’environ 35%. En Amérique du Nord (MSCI Amérique du Nord) et dans la région Asie-Pacifique (MSCI Pacifique), la performance globale a été déterminée pour plus d’un quart par les dividendes (26% et 31% respectivement).
- Les dividendes fluctuent généralement moins que les bénéfices des entreprises, comme le montrent clairement nos calculs internes basés sur les données de Robert Shiller1.
- L’analyse des données historiques en témoigne : les dividendes flanchent certes parfois en périodes de crise, comme celle de la pandémie, mais ils présentent une fiabilité certaine, une qualité très appréciée en période de turbulences. Ils contribuent par ailleurs largement au rendement global.
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1 Shiller, Robert ; U.S. Stock Markets 1871-Present and CAPE Ratio (Les marchés boursiers américains et le ratio CAPE de 1871 à nos jours) ; http://www.econ.yale.edu/~shiller/data.htm ; dernière vérification le 13 décembre 2022. Le téléchargement précédent avait eu lieu en décembre 2021.
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