Résumé
Rien n'est plus sensible que les prix face à un déséquilibre entre l'offre et la demande. Ainsi, l'envolée spectaculaire de l'inflation n'est en fin de compte que le fruit de chocs considérables, que ceux-ci soient de nature budgétaire, monétaire ou pandémique.
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La grand rééquilibrage
Dr. Hans-Jörg Naumer / 01.06.2023
L'offre monétaire des grandes banques centrales a été perturbée par la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers. Dans le sillage de la pandémie de Covid-19 (choc de la demande), les banques centrales ont ouvert les vannes monétaires et budgétaires, aboutissant à des goulets d'étranglement tout au long des chaînes d'approvisionnement (côté offre). La guerre en Ukraine et les pressions exercées sur les prix de l'énergie ont ensuite entraîné un nouveau choc de l'offre, auquel les institutions ont réagi avec des mesures budgétaires, à l'instar de la Loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act) du gouvernement américain. Ce train de mesures, qui doit selon les dires servir à lutter contre l'inflation, agit tant au niveau de la demande que de l'offre (augmentation des capacités de production).
En bref, le monde économique passe d'un état de déséquilibre à un autre, comme en témoigne également la dette publique. Les niveaux d'endettement gonflent encore, notamment aux États-Unis, où le plafond de la dette ne cesse de se rapprocher. Impossible pour l'heure de savoir comment un défaut de paiement, aussi improbable soit-il, pourra à terme être évité. Le mois de juin promet d'être passionnant à cet égard.
En fin de compte, le maître-mot est le rééquilibrage : offre et demande doivent parvenir à l'équilibre. Les banques centrales du monde entier, au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE), se sont depuis longtemps engagées dans cette voie. La Fed semble notamment prête à accepter une récession qui permettrait de restaurer l'équilibre.
Reste à voir comment la conjoncture évoluera. Selon les indices des directeurs d'achat dans le monde, les indicateurs de croissance semblent avoir dépassé leur creux.
Toutefois, les effets des hausses de taux déjà opérées devraient progressivement se faire sentir davantage. Parallèlement, les conditions de crédit sont de plus en plus restrictives. Cela a non seulement des conséquences sur les marchés immobiliers, mais donne également du fil à retordre aux banques américaines, comme en témoignent les événements qui ont récemment touché les banques régionales outre-Atlantique, moins réglementées. Cette situation suggère donc l’allocation tactique suivante pour les actions et les obligations :
- Il est apparu très clairement que les valeurs technologiques ont été le véritable moteur de la reprise de ces derniers mois sur les marchés actions. Aux États-Unis, le NASDAQ s'est nettement distingué par rapport au S&P 500 plus large, les grands noms des fournisseurs de plateformes tirant leur épingle du jeu. Un scénario fantaisiste s'est répandu, selon lequel les progrès réalisés dans l'intelligence artificielle donneraient des ailes à certains titres.
- Nous sommes toutefois en droit de douter de sa pérennité. Il pourrait également masquer le fait que le marché des actions, avec ses hausses récentes, n'a pas confiance en soi. La largeur du marché fait défaut. Ces dernières semaines, le nombre d'actions qui ont vu leur cours grimper par rapport au nombre de titres en repli n'a cessé de baisser.
- Les investisseurs semblent en effet ne pas croire en la situation sur les marchés de capitaux. La confiance en l'avenir des investisseurs, telle que mesurée par Sentix, n'a cessé de se dégrader. Les enquêtes mensuelles réalisées par l'American Association of Individual Investors indiquent que le pourcentage d'investisseurs privés « haussiers » demeure proche de son plus bas niveau en 20 ans.
- Si le moral est déjà au plus bas, comment peut-il encore baisser ? En d'autres termes : qui voudrait encore vendre et exercer une pression sur les marchés actions si les investisseurs sont déjà tous passés dans le camp « baissier » ? Cette réflexion ne s'accorde toutefois pas avec la hausse des cours.
- Dans un contexte où les valorisations sont globalement reparties à la hausse, les investisseurs tactiques ont tout intérêt à se montrer plus prudents. Les investisseurs stratégiques/à moyen long terme devraient accorder davantage d'attention au maintien du pouvoir d'achat de leurs placements dans un environnement de rendements réels négatifs.
- La pause (temporaire ?) qui se dessine aux États-Unis dans le cycle de resserrement de la politique monétaire de la Fed devrait donner un coup de fouet à l'euro.
Thème d’investissement : dividendes – La stabilité en périodes de turbulences
- La reprise des distributions de dividendes après la pandémie de 2020 s’est poursuivie en 2022. La part des entreprises du STOXX Europe 600 qui versent des dividendes n’a certes pas encore renoué avec le niveau de 2019, avant la pandémie, mais elle a continué de progresser l’année dernière pour venir tutoyer le seuil de 90%. Au sein du S&P 500 par contre, la part des entreprises distribuant des dividendes a déjà presque retrouvé ses niveaux prépandémie.
- Les investisseurs en actions européennes ont notamment profité de distributions élevées par le passé, lesquelles ont contribué à stabiliser la performance globale lors des années de performances négatives, comme en témoigne l'analyse des données pour la période 1978-fin 2022, découpée en tranches de cinq ans. Les dividendes ont permis de compenser une partie des pertes en termes de rendement annualisé sur cinq ans.
- Sur l’ensemble de la période comprise entre 1978 et fin 2022, les dividendes ont contribué au rendement global annualisé des actions du MSCI Europe à hauteur d’environ 35%. En Amérique du Nord (MSCI Amérique du Nord) et dans la région Asie-Pacifique (MSCI Pacifique), la performance globale a été déterminée pour plus d’un quart par les dividendes (26% et 31% respectivement).
- Les dividendes fluctuent généralement moins que les bénéfices des entreprises, comme le montrent clairement nos calculs internes basés sur les données de Robert Shiller1.
- L’analyse des données historiques en témoigne : les dividendes flanchent certes parfois en périodes de crise, comme celle de la pandémie, mais ils présentent une fiabilité certaine, une qualité très appréciée en période de turbulences. Ils contribuent par ailleurs largement au rendement global.
1 Shiller, Robert ; U.S. Stock Markets 1871-Present and CAPE Ratio (Les marchés boursiers américains et le ratio CAPE de 1871 à nos jours) ; http://www.econ.yale.edu/~shiller/data.htm ; dernière vérification le 13 décembre 2022. Le téléchargement précédent avait eu lieu en décembre 2021.
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Résumé
La lutte contre l'inflation n'est pas encore terminée.