La revue des Marchés - Novembre 2023

03.11.2023
Revue des Marchés

Résumé

Un jour sans fin – Groundhog Day


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Un jour sans fin –Le jour de la marmotte

Dr. Hans-Jörg Naumer.  / 03.11.2023

En étudiant les recherches effectuées sur Google, on remarque que l'expression  « soft landing » (ou « atterrissage en douceur ») a la cote depuis deux bonnes 
années, tandis que le terme  « récession » a suscité un fort intérêt à partir de mi-2022,  avant d'être rapidement mis  aux oubliettes. 

Il n'est dès lors guère surprenant que les prévisions de croissance de l'économie américaine n'aient cessé d'être revues à la hausse par le consensus au cours des trimestres écoulés. Ce comportement s'apparente à une boucle sans fin, en cela que le scénario d'un  « atterrissage en douceur » est sans cesse remis sur le tapis. On se croirait dans le film « Un jour sans fin ». 

L'histoire nous a démontré à de nombreuses reprises que les experts étaient de piètres prévisionnistes en ce qui concerne les récessions. Entre le milieu des années 1960 et aujourd'hui, huit récessions ont eu lieu aux États-Unis, selon le National Bureau of Economic Research (NBER). Pourtant, les prévisions du consensus, basées sur des sondages réalisés auprès d'économistes, n'ont dépassé qu'à deux reprises le seuil de probabilité de 50%, et encore a-t-il fallu attendre que la récession soit déjà bel et bien installée. 

Il n'existe par ailleurs aucune définition précise d'un « atterrissage en douceur ». Là où la plupart des experts estiment qu'une croissance faible mais positive du produit intérieur brut (PIB) ainsi qu'un fléchissement progressif du marché du travail sont les conditions préalables à une telle situation, d'autres voient les choses différemment et envisagent même un scénario impliquant une faible récession. Pour simplifier, on peut comprendre par « atterrissage en douceur » un scénario économique dans lequel une récession est évitée malgré un resserrement sensible de la politique monétaire. Aux États-Unis notamment, on distingue trois replis historiques (en 1966, 1984 et 1995) qui s'apparentent à des atterrissages en douceur : ils ont fait suite à des relèvements de taux de 300 points de base ou plus alors qu'aucune récession ne s'est concrétisée dans les trois années qui ont suivi. 

 

Où en sommes-nous aujourd'hui ? 

Nombre d'indicateurs conjoncturels suggèrent que l'économie américaine est entrée dans une phase de fin de cycle fragile, caractérisée entre autres par un marché du travail en plein emploi, un écart de production comblé, des marges bénéficiaires en baisse, un recul de la croissance de la masse monétaire et une courbe des taux inversée (ce qui a toujours constitué par le passé un signe annonciateur d'une récession sur le marché obligataire). Dans un tel contexte, l'autorité monétaire américaine ne dispose que de peu de latitude pour procéder à une baisse rapide de son taux directeur, tandis que le retour durable au niveau d'inflation visé n'est pas encore pour demain. Difficile d'imaginer un relâchement des pressions inflationnistes sans affaiblissement considérable du marché du travail. Le scénario idéal serait celui d'une baisse du nombre important de postes à pourvoir, sans que le taux de chômage augmente. 
Attention à ne pas sous-estimer non plus le durcissement (potentiel) des conditions financières, qui, malgré les relèvements de taux déjà opérés et les ventes d'obligations par la Fed, n'est pas encore écarté. C'est tout du moins ce que montre l'indicateur de la Fed de Chicago sur les conditions financières. 

Ailleurs dans le monde, l'Europe frôle le précipice de la récession, tandis que l'Allemagne l'a déjà franchi. En ce qui concerne la Chine en revanche, l'on peut espérer que le pays a atteint un plancher conjoncturel et qu'il renouera désormais avec une trajectoire de croissance. Cette hypothèse est étayée par les mesures de relance considérables mises en place dans le pays. 

Les prochaines semaines seront ainsi décisives : parviendrons-nous à nous défaire de ce scénario sans cesse répété d'un « atterrissage en douceur » pour soit le voir en effet se concrétiser, soit passer en récession ? 

Il ne peut toutefois être exclu que l'économie américaine entre en récession. 

À cela viennent s'ajouter les incertitudes (géo)politiques. Aux États-Unis, le risque de « shutdown » (c'est-à-dire de fermeture des administrations publiques en raison d'un manque de financement) qui menace la marge de manœuvre financière des pouvoirs publics a pu être repoussé, mais pas totalement écarté. Les conflits au Moyen-Orient comportent un risque latent de contagion, ce qui pourrait notamment affecter l'économie par le biais d'une hausse des prix du pétrole. 
Pour les marchés, ces deux scénarios (atterrissage en douceur ou récession) apporteront leur lot de conséquences, notamment sur le plan de la politique monétaire. Chaque récession qu'ont connue les États-Unis depuis le milieu des années 1950 a fait suite à un cycle de hausse des taux d'intérêt par la Réserve fédérale ; pour autant, tous les cycles de relèvements des taux n'ont pas donné lieu à une récession. Lors des 12 derniers cycles de hausses de la banque centrale américaine, l'indice de référence S&P500 a enregistré des rendements exclusivement négatifs après la dernière hausse lorsqu'une récession s'est concrétisée dans les 12 mois qui ont suivi. En revanche, dans un contexte d'« atterrissage en douceur » ou lorsque la récession est intervenue plus d'un an après le dernier relèvement des taux, les actions ont engrangé des performances largement positives. D'un point de vue historique, c'est davantage le cycle conjoncturel que le cycle monétaire qui a principalement dicté le sort des marchés des actifs risqués. 


Allocation tactique parmi les actions et les obligations 


Au vu du contexte conjoncturel et de politique monétaire, ainsi que des conclusions de notre dernier sommet sur l'investissement (Investment Summit), nous privilégions l'allocation tactique suivante pour les actions et les obligations : 


• Les investisseurs doivent se préparer à une nouvelle hausse des taux nominaux en cas d'augmentation structurelle de l'inflation et de volatilité persistante.
• Si les risques s'accentuent, une allocation plus prudente aux actions semble indiquée d'un point de vue tactique.
• S'agissant des obligations souveraines, des risques de duration demeurent, mais l'allocation à ces titres peut être étoffée progressivement, d'autant si vous tablez sur une récession.
• Si la Fed a pour l'heure mis sur pause son cycle de relèvement des taux, elle pourrait toutefois décider de procéder à de nouvelles hausses à l'avenir.
• La Banque centrale européenne (BCE), pour sa part, semble déjà avoir atteint un pic des taux d'intérêt et ne devrait pas poursuivre dans cette voie. Toutefois, le constat est le même pour les deux banques centrales : les taux resteront « plus élevés pendant une période prolongée », et il ne faut pas s'attendre à une baisse rapide prochainement.
• Les investisseurs de long terme doivent tenir compte dans leurs réflexions des répercussions d'une inflation plus élevée, ce qui appelle stratégiquement à une exposition accrue aux actions. En fin de compte, il s'agit de générer des rendements réels (c.-à-d. les rendements ajustés de l'inflation) positifs, afin de pouvoir au moins conserver le pouvoir d'achat des placements en capitaux.
• Nous recommandons de placer l'accent sur des investissements durables, qui peuvent contribuer à améliorer le profil risque/rendement de vos placements.

 

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