La revue des Marchés - Octobre 2023

05.10.2023
Revue des Marchés

Résumé

Les obligations font-elles vraiment leur grand retour ?


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Le blues de l’automne, dans tous les sens du terme 

Sean Shepley / 01.10.2023

Ces dernières semaines, la performance des marchés financiers a évolué de concert avec les saisons : les jeunes pousses vertes porteuses d’espoir du  printemps ont laissé la place à des tons automnaux toujours plus sombres. 

En effet, des signes de plus en plus flagrants nous rappellent à l’année 2022 : pression haussière sur les rendements obligataires et baissière sur les cours des actions, et inquiétudes grandissantes quant aux perspectives de croissance des pays qui importent une large part de leur énergie. 

Le choc qui a secoué le marché en 2022 représentait le point culminant d’une période caractérisée par des politiques monétaire et budgétaire exceptionnellement accommodantes, auxquelles les banques centrales des pays développés ont dû mettre un terme des plus brusques, opérant un virage à 180 degrés pour lutter contre la fâcheuse envolée de l’inflation. Pourtant, l’optimisme quant à une amélioration des perspectives des marchés cette année reposait en grande partie sur des signes tangibles d’un relâchement des pressions inflationnistes. 

 

Quels facteurs sont venus jouer les trouble-fêtes ? 

À noter tout d’abord que les marchés actions se sont sensiblement redressés depuis leurs creux du mois d’octobre l’année passée. Cette reprise est due en partie à la hausse des bénéfices ; mais bien souvent, c’est la confiance renforcée quant à un contexte économique plus stable, permettant d’intégrer ces bénéfices à long terme, qui a fait grimper les multiples et, par conséquent, les prix. 

Il n’en va néanmoins pas de même pour les obligations. Sur ces marchés, les attentes initiales quant à une évolution des taux d’intérêt en forme de Tour Eiffel (c.-à-d. une hausse marquée suivie par un assouplissement rapide) ont été progressivement remplacées par la conviction selon laquelle la nouvelle normalité post-pandémie se caractériserait par des taux d’intérêt sensiblement plus élevés qu’auparavant. Par conséquent, les rendements à long terme ont progressé par à-coups, en raison tout d’abord des anticipations d’inflation élevée. Ensuite, les mesures de resserrement des banques centrales visant à lutter contre l’inflation ont entraîné une hausse des taux sur l’ensemble de la courbe. Plus récemment, les taux d’intérêt réels à long terme (qui peuvent être vus comme la différence entre les rendements obligataires et les attentes en matière d’inflation) ont encore grimpé, et ce même alors que les banques centrales ont mis un frein à leur cycle de relèvements. 

 


Trois facteurs principaux ont selon nous contribué à la hausse des rendements : 

Citons tout d’abord le facteur ayant vraisemblablement le moindre impact, à savoir la décision de la Banque du Japon de relâcher le contrôle qu’elle exerçait sur la courbe des rendements. Cette mesure s’est traduite par une nette hausse des rendements des obligations souveraines japonaises, qui s’est propagée à d’autres marchés dès lors que la demande en duration a subi un choc négatif. 

Plus récemment, la décision prise par l’Arabie saoudite et la Russie de poursuivre les réductions de production jusqu’en fin d’année a donné lieu à une forte réaction sur le marché. Le prix du Brent a grimpé de plus de 10% sur le seul mois de septembre, et de plus d’un tiers depuis son plancher de juin. Un nouveau choc sur les prix est particulièrement inopportun alors que les banques centrales tentent de ramener rapidement l’inflation vers leur niveau cible. La Banque centrale européenne (BCE) incarne peut-être le mieux cette volonté, en cela qu’elle a relevé ses taux d’intérêt en septembre malgré des signes indiquant un essoufflement de la croissance et une nouvelle contraction de la masse monétaire de la zone euro. 

Enfin, bien que la Réserve fédérale (Fed) n’ait pas relevé ses taux en septembre, les membres du FOMC ont modifié les projections d’évolution des taux directeurs, laissant entrevoir des perspectives nettement moins favorables pour 2024. Le marché avait espéré que la baisse de l’inflation sous-jacente permettrait à la Fed de réduire ses taux d’intérêt même si la croissance repartait, mais les prévisions de l’institution ne vont pas dans ce sens, communiquant au contraire que si le contexte de croissance reste favorable, les taux seront maintenus à un niveau élevé. 


Comme on pouvait s’y attendre, les marchés ont donc revu à la baisse leurs attentes en termes de baisses des taux, avec pour conséquence une hausse anormalement marquée des rendements obligataires, à plus forte raison lorsque l’on sait que la fin du cycle de resserrement ne tardera probablement plus.

 

Allocation d’actifs 


Quatre facteurs principaux devraient influencer les marchés au cours du trimestre à venir : 


Tout d’abord, les répercussions du resserrement monétaire deviendront selon nous de plus en plus évidentes à mesure que la croissance ralentit (États-Unis, Chine), voire que l’économie passe en territoire de contraction (pour de nombreux pays européens). Les marchés actions dont la performance est essentiellement imputable à la hausse des prévisions de bénéficies pâtiront largement de cette situation, qui met par ailleurs en avant les avantages relatifs des stratégies axées sur un revenu du dividende régulier. 


Ensuite, les suppositions quant à une inflation persistante, qui s’inscrivent dans un contexte de renchérissement du pétrole, impliquent que les marchés actions ne pourront pas profiter d’une éventuelle reprise de la croissance dans la mesure où (comme cela a été le cas ces derniers mois) la hausse des rendements obligataires qui en découle vient neutraliser cette progression. Nous estimons au contraire qu’un ralentissement de la demande et des signes réels d’une poursuite de la désinflation sont indispensables à une stabilisation des attentes en matière de taux. 


Troisièmement, nous sommes bien conscients que les risques qui pèsent sur la stabilité financière demeurent élevés, et pensons que toutes les conditions synonymes de volatilité accrue sont déjà réunies. En cette fin de cycle, tout relèvement de taux supplémentaire de la part des grandes banques centrales représenterait une menace de plus pour la stabilité financière. 


Enfin, du point de vue de l’allocation tactique, la hausse des rendements obligataires renforce les atouts concurrentiels des marchés obligataires par rapport à d’autres classes d’actifs, comme nous l’avons mentionné le mois dernier. 


En conclusion, les signaux défavorables apportés par cet automne maussade nous accompagneront probablement pour le restant de l’année. Ainsi, la voie la plus judicieuse nous semble être celle d’un positionnement en vue d’un environnement de marché plus difficile. 

 

Thème d’investissement : les dimensions de la disruption

  • L’investissement thématique, à savoir les placements qui mettent l’accent sur les tendances à long terme indépendamment des pays ou secteurs, semble s’attirer les faveurs d’investisseurs toujours plus nombreux.
  • Cela est tout à fait compréhensible : il en va d’intégrer au portefeuille de manière constructive l’évolution de la disruption, un thème omniprésent.
  • La démondialisation est résolument en marche. Le clivage géopolitique ne se manifeste pas uniquement dans les perturbations au niveau de la chaîne d’approvisionnement, il est également favorisé par un autre facteur positif : la numérisation.
  • À mesure que les robots deviennent de plus en plus abordables, la production à l’étranger perd en attrait, tandis que son rapatriement vers le pays du consommateur gagne en simplicité et en rentabilité.
  • Citons encore la démographie. Sur le plan démographique, le monde continue certes de croître, mais il vieillit. La population active diminue par rapport au nombre total d’individus partout dans le monde. L’on peut s’attendre à une pression sur les salaires.
  • Parallèlement, la tendance à la décarbonation de l’économie mondiale se poursuit.
  • Démondialisation, numérisation (digitalisation), démographie et décarbonation représentent les 4 grands « D », qui se concrétisent par exemple également dans la demande croissante en matières premières ou l’urbanisation accrue. Les investisseurs à long terme seraient bien avisés de se pencher plus avant sur ces tendances. 

 

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