La revue des Marchés - Septembre 2023

05.09.2023
Revue des Marchés

Résumé

Les obligations font-elles vraiment leur grand retour ?


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Les obligations font-elles vraiment leur grand retour ?

 Stefan Rondorf  / 01.09.2023

Dans nos perspectives annuelles, nous avions déjà envisagé un regain d'intérêt probable pour les obligations dans le courant de l’année. Le moment est-il  venu ? 

La hausse des rendements observée ces dernières semaines a-t-elle rendu les obligations attrayantes ? Il est vrai que les rendements des emprunts d’État à long terme s’établissent à des niveaux inédits depuis 2011, et ce tant aux États-Unis (plus de 4,25% provisoirement) qu'en Allemagne 
(nettement supérieurs à 2,5%). 
Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps d’analyser certains des facteurs à l’origine de l’augmentation des rendements. Pourquoi les rendements obligataires ont-ils dernièrement connu telle progression alors que la fin des cycles de hausse des taux des grandes banques centrales se profile de plus en plus clairement à l’horizon ? 


• Si l’on décompose le rendement nominal des emprunts d’État en une prime servant à compenser les risques d’inflation (« point mort» d’inflation dans le jargon financier) et un rendement dit réel, force est de constater que la hausse des rendements a été presque intégralement attribuable au rendement réel récemment. Ce dernier a augmenté à près de 2%aux États-Unis et a quitté des niveaux largement négatifs pour repasser en territoire légèrement positif en Allemagne. Une telle évolution reflète une normalisation après la politique monétaire ultra-accommodante de ces dernières années. Elle reflète par ailleurs la confiance des investisseurs vis-à-vis de la solidité de l’économie, tandis que les craintes d’inflation ne se sont au moins plus intensifiées. Cela était essentiellement justifié aux États-Unis, où la consommation demeure robuste et la conjoncture, alimentée par les subventions en faveur de la construction d’usines (Loi sur la réduction de l’inflation, Inflation Reduction Act), reste exceptionnelle. Si la perception d’une croissance plus vigoureuse venait à se confirmer, cela signifierait que les taux devraient à l’avenir rester élevés sur une période plus longue que prévu (higher for longer). 


• Aux États-Unis, le déficit budgétaire supérieur aux attentes devrait avoir constitué un frein supplémentaire à court terme pour les marchés obligataires, d’où une suroffre sur ceux-ci. Dans le même temps, la Réserve fédérale américaine vend environ 60 milliards USD d'emprunts d'État chaque mois, ce qui accroît encore l’offre et rend le marché plus illiquide. La BCE et d’autres banques centrales réduisent aussi progressivement leur bilan.


• La décision de la banque centrale japonaise de ne plus limiter les rendements des emprunts d’État nationaux à 10 ans à 0,5%maximum au moyen d’interventions sur les marchés devrait également impacter les marchés obligataires mondiaux. Pour les investisseurs japonais, l’achat de ces obligations domestiques devient par exemple plus intéressant, ce qui pourrait les inciter à réduire leurs positions couvertes contre le risque de change en Europe ou aux États-Unis.

Il s’agit ici majoritairement de facteurs qui reflètent des évolutions à court terme. Pour la plupart des investisseurs, un placement à long terme en emprunts d’État n’est judicieux que s’il leur permet de dégager un rendement supérieur à l’inflation à longue échéance. Cela semble plutôt incertain, surtout dans la zone euro comme le montre l’exemple des Bunds allemands. Même dans l’hypothèse favorable où la BCE ne manquerait son objectif d’inflation fixé à 2% que d’un demi-point de pourcentage, l’actuel rendement des obligations à 10 ans (2,5%) permet tout juste de garantir le maintien du pouvoir d’achat. En revanche, la probabilité de réaliser un rendement réel positif paraît désormais élevée aux États-Unis. 

En résumé, les obligations s’avèrent à l'heure actuelle surtout intéressantes pour les investisseurs qui tablent sur une baisse des taux et donc sur des gains de cours dans un avenir proche. Une telle évolution serait en particulier envisageable dans un contexte de tassement conjoncturel marqué. La politique monétaire plus restrictive des banques centrales serait alors enfin parvenue à juguler la demande et l’inflation. Dans l'ensemble, les marchés obligataires ne peuvent plus être simplement considérés comme porteurs de risque sans intérêt et ils sont extrêmement intéressants pour tous les observateurs. Pour autant, ils ne sont pas encore véritablement attractifs. 

 Un tel contexte suggère donc l’allocation tactique suivante : 

  • La hausse des rendements a accru l’attrait relatif des emprunts d’État face à d’autres classes d’actifs. Pour les investisseurs à long terme, les actions nous semblent néanmoins toujours plus susceptibles de dégager des gains allant au-delà du maintien du pouvoir d’achat. D’un point de vue tactique, les obligations généreront probablement les revenus les plus élevés dans un scénario de tassement conjoncturel s’accompagnant de baisses de taux.
  • Les marchés d’actions nous paraissent toujours vulnérables à une correction à brève échéance. Les valorisations en hausse et les estimations de bénéfices plutôt optimistes témoignent de l'intégration d'un scénario d'atterrissage en douceur, à savoir une baisse de l’inflation non associée à une récession.
  • En Europe et en Chine notamment, les données économiques se sont toutefois nettement détériorées ces derniers temps. Aux États-Unis, la conjoncture paraît quant à elle extrêmement robuste, mais divers facteurs de soutien (activité de construction dans l’industrie manufacturière, nombreuses occasions de dépenser de l’argent dans le secteur de la culture et des loisirs) devraient bientôt s’affaiblir.
  • La tendance baissière sur le front de l’inflation pourrait en outre devenir plus fluctuante à court terme. L’augmentation des prix du pétrole et des effets de base moins favorables par rapport à l’année précédente sont susceptibles de freiner le recul de l'inflation. La hausse de l’or noir reflète dans une large mesure les réductions de l’offre imposées par les pays de l’OPEP+.
  • Le dollar américain s’est récemment raffermi. Il pourrait profiter tactiquement de la vigueur de la conjoncture américaine et d’un environnement de marché plus agité.

 

Thème d’investissement : risque et rendement

  • L'ère des taux d'intérêt bas/négatifs est révolue. Les obligations versent (enfin) à nouveau un coupon, signe que toute cette catégorie d'actifs a retrouvé sa place dans les portefeuilles.
  • Cependant, en considérant le rendement réel, c'est-à-dire le rendement nominal après déduction de l'inflation, et en anticipant une inflation durablement élevée, alimentée notamment par la démondialisation et la décarbonation, il convient de se demander si l'investissement dans des actifs susceptibles de générer un rendement supérieur ne serait pas judicieux.
  • Obtenir un meilleur rendement nécessite toutefois également de prendre plus de risques.
  • À cet égard, la perspective stratégique ne se base pas sur une tactique rapide et orientée sur le court terme, mais envisage l'orientation du portefeuille à plus long terme. Des ajustements tactiques peuvent ensuite être apportés à l'allocation stratégique.
  • D'un point de vue stratégique, il est intéressant de tirer les leçons du passé.
  • Sur la base de longues séries de données1, il apparaît que de 1801 à fin 2022, les obligations d'État américaines ont rapporté en moyenne 3,3 % au fil des ans, contre 6,88% pour les actions américaines. La prime de risque de 2,84% a fait la différence. Un dollar américain investi en obligations au début de la série aurait rapporté un peu plus de 1 300 dollars américains sur la période, mais plus de 2,4 millions USD s'il avait été placé en actions. Bien évidemment, personne ne vit aussi longtemps, mais il est également intéressant de noter que les actions ont rapporté une prime de risque pendant toutes les périodes de 30 ans, sauf deux. Une période de 30 ans correspond, par exemple, au temps pouvant être utilisé pour planifier sa retraite.
  • La performance passée ne préjuge pas des rendements futurs et ne peut éclipser les risques futurs, mais elle montre que par le passé les inquiétudes des investisseurs étaient récompensées par une prime.

1 Sources : Base de données de Jeremy Siegel 1801 - 1900 et Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton 1900 – 2009, Datastream, Allianz Global Investors Capital Markets & Thematic Research ; État : décembre 2022.  
Les sources de données et d’informations non citées sont Thomson Reuters, Refinitiv Datastream. 

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