Naviguer sur les Taux
Retrouver de la valeur potentielle dans le haut revenu
Les obligations à haut revenu pourraient bénéficier d’une éventuelle stabilisation de l’inflation et des taux « core ». Dans le troisième de nos quatre articles consacrés aux moyens dont disposent les investisseurs pour réajuster leurs allocations obligataires, nous envisageons les opportunités susceptibles d’émerger dans l’univers des obligations d’entreprise à haut rendement et de la dette émergente.
Points à retenir:
- Les obligations à haut rendement ont été ébranlées par la volatilité des marchés obligataires ces derniers mois.
- Une stabilisation de l’inflation et des taux d’intérêt pourrait aider les obligations à haut revenu à retrouver une certaine dynamique.
- Les investisseurs devraient surveiller trois catalyseurs de retournement sur le marché de la dette émergente.
- Pour le haut rendement mondial et la dette émergente, nous privilégions des stratégies positionnées sur les émetteurs de qualité supérieure.
Les obligations à haut revenu (obligations ayant une notation inférieure à « investment grade ») ont ressenti les effets de la volatilité qui a dominé les marchés obligataires ces derniers mois alors que les investisseurs étaient confrontés aux difficultés posées par la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Mais une fois que l’inflation et les taux « core » se stabiliseront, nous pensons que les actifs à haut revenu pourraient rapidement renouer avec une dynamique positive.
Les investisseurs espèrent sans doute que les banques centrales peuvent maîtriser l’inflation et négocier un atterrissage en douceur, autrement dit, limiter le ralentissement économique, dans les grandes économies avancées. Mais les dirigeants politiques doivent faire preuve de l’habileté nécessaire pour éviter que la consommation, l’emploi et l’activité économique au sens large ne se dégradent trop fortement.
La récession menace l’Europe et les ÉtatsUnis, mais les valorisations des produits de spread n’ont pas encore atteint des niveaux récessionnistes. Toutefois, il existe deux marchés qui, aux niveaux de rendement actuels, pourraient offrir une protection des revenus et une performance totale à long terme : les obligations d’entreprise à haut rendement mondiales et la dette souveraine extérieure des marchés émergents (cf. graphique 1).
Graphique 1: aux niveaux de rendements actuels, les obligations d’entreprise à haut rendement et la dette souveraine émergente offrent une protection des revenus et recèlent un potentiel haussier
Certains facteurs favorables au haut rendement
Tout d’abord, intéressons-nous aux obligations d’entreprise mondiales à haut rendement. Nous avons plusieurs raisons d’être prudemment optimistes quant à leurs perspectives:
- De nombreux émetteurs de titres à haut rendement ont allégé les pressions de financement en prolongeant l’échéance de leurs dettes, avec à la clé un mur de refinancement à court terme moins haut que les années précédentes.1
- Les rendements initiaux beaucoup plus élevés pourraient offrir un filet de protection contre les rendements négatifs.
- Les facteurs techniques semblent également favorables à ce stade. Tant que la volatilité des spreads reste élevée, les émetteurs pourraient être moins nombreux à émettre de nouveaux titres, tandis que les stocks d’obligations des courtiers pourraient également rester bas, ce qui permettrait aux coupons et aux produits des obligations arrivant à échéance d’être réinvestis dans un nombre plus limité d’obligations à haut rendement, créant un excédent de demande qui soutiendrait les prix.
Les prévisions en matière de risque de défaut pourraient servir de repère
Mais les investisseurs doivent avoir conscience des risques de défaut qui surgissent à mesure que les grandes économies ralentissent. Notre équipe de recherche crédit estime le taux de défaut de la dette privée notée BB-B sur es marchés développés à environ 2,5% au cours des 12 prochains mois. Sur le marché mondial du haut rendement, il pourrait être plus proche de 5% compte tenu de la prise en compte des titres CCC et des marchés émergents (notamment l’Asie) où le risque de défaut est sensiblement plus élevé.
Dans un environnement de marché normal, un taux de défaut de 2,5% impliquerait un spread d’environ 410 points de base, alors qu’actuellement, la rémunération des investisseurs avoisine les 465 points de base.2 Mais les conditions actuelles étant loin d’être normales, les spreads moyens et les percentiles historiques n’aident guère. D’autres mouvements de correction tirés par les taux et les spreads pourraient se produire dans les semaines à venir. De tels épisodes pourraient créer des opportunités d’achat ciblées dans le crédit.
Divergence entre bon et mauvais crédit
Dans le scénario d’un atterrissage brutal des grandes économies, le ralentissement de la consommation pourrait poser des difficultés aux entreprises souhaitant répercuter la hausse des coûts des intrants sur les prix et donc, éroder les marges. C’est inquiétant dans la mesure où une bonne partie du désendettement des entreprises observé ces derniers temps est davantage due à la croissance des bénéfices qu’à la réduction de la dette.
Les crédits cycliques et de moindre qualité restent les plus vulnérables. Par exemple, les spreads des titres notés CCC ont particulièrement sous-performé. Depuis le début de l’année, ils se sont élargis de 580 points de base, contre 130 points de base pour le segment BB et 140 points de base pour le segment B, ce qui montre que les préoccupations se sont focalisées sur la partie la plus faible du marché.3 De même, l’indice américain de la consommation cyclique s’est élargi de 203 points de base, contre seulement 83 points de base pour l’indice de consommation non cyclique, ce qui est révélateur des craintes concernant l’économie.4
En dehors des forces macroéconomiques, les risques les plus élevés sont à rechercher du côté des faillites idiosyncratiques. Il faut s’attendre à une différenciation plus marquée de la performance potentielle entre bon et mauvais crédit au fil du temps.
Un contexte difficile pour les marchés émergents
Deuxième domaine qui retient tout notre intérêt, la dette souveraine extérieure des marchés émergents. Pour les marchés émergents, les nouvelles pourraient être difficilement pires que maintenant. La dette est essentiellement à long terme et les prix ont baissé lorsque les taux d’intérêt américains ont augmenté. La correction reflète également une liquidité insuffisante et une hausse du risque de défaut. Parmi les pays qui ont effectivement fait défaut ou dont la dette est en cours de restructuration, citons le Bélarus, le Liban, le Sri Lanka, le Surinam, la Russie et la Zambie.5 Par ailleurs, les restructurations non publiées de prêts bilatéraux accordés aux économies émergentes par les entreprises d’État (SOE) chinoises devraient avoir augmenté, selon le Fonds monétaire international.6
Il est important de se rappeler que la dette extérieure des marchés émergents constitue un ensemble très hétérogène. Il existe environ 80 pays des marchés émergents qui émettent de la dette souveraine en dollar avec une dynamique de dette différente. Par exemple, la flambée des prix des matières premières a soutenu la balance des paiements de certains pays d’Amérique latine et du Moyen-Orient.7 Inversement, le solde extérieur de certains pays importateurs de matières premières en Europe de l’Est et en Asie s’est sensiblement dégradé.8 Autre caractéristique de la classe d’actifs : près de 60% de la valeur de marché des obligations en dollars en circulation est notée « investment-grade ».9 La prime de rendement du « high yield » par rapport à la dette « investment grade » a atteint des niveaux historiquement élevés en 2022, tout comme le nombre d’obligations se négociant à des niveaux « distressed », bien inférieurs aux valeurs de remboursement moyennes.
Indicateurs de reprise des marchés émergents à surveiller
Selon nous, trois catalyseurs doivent être surveillés avec attention avant d’envisager d’augmenter l’exposition aux marchés émergents:
- Une décélération (et pas simplement une stabilisation) de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation qui constituent l’essentiel des paniers de consommation sur les marchés émergents.
- Une reprise des statistiques conjoncturelles en Chine, acheteur majeur des produits fabriqués sur les marchés émergents.
- Une certaine détente de la liquidité mondiale (en dollar), qui tend à refléter les afflux de capitaux vers la dette émergente.
Toutefois, la probabilité de taux de défaut plus élevés et de volatilité plus marquée implique une sélection soigneuse tandis que la gestion des actifs est essentielle pour compenser les risques accrus inhérents aux marchés émergents.
Deux principes à suivre
Pour le haut rendement mondial et la dette émergente, nous privilégions des stratégies d’investissement qui cherchent à bien faire à deux niveaux. Premièrement, des stratégies qui se positionnent sur des émetteurs de qualité supérieure avec un endettement sain ou en amélioration et une dynamique ESG positive, sans être contraintes par la distribution des notes de crédit d’un indice de référence. Deuxièmement, des stratégies qui cherchent une allocation géographique libre, qui ne soit pas liée à des secteurs versatiles dans des régions spécifiques, tels que l’énergie ou l’immobilier. Les investisseurs qui suivent ces deux principes pourraient être bien placés pour profiter d’un éventuel regain de valeur des obligations à haut revenu.
1. Source: Credit-trends: where to look for refinancing vulnerabilities through 2023 amid market turmoil (Tendances du crédit : où rechercher les failles de refinancement en 2023 dans un contexte de turbulences des marchés), S&P Global Ratings, juin 2022.
2. Source: indice ICE BofA Global High Yield, novembre 2022.
3. Source: indice ICE BofA Global High Yield, novembre 2022.
4. Source: indices ICE Diversified US Cash Pay High Yield Consumer Non-Cyclical et ICE Diversified US Cash Pay High Yield Consumer Cyclical, novembre 2022.
5. Source: Rapport sur la stabilité financière dans le monde, FMI, octobre 2022.
6. Source: La dette au grand jour, FMI, mars 2022.
7. Source: Perspectives économiques régionales, Hémisphère occidental et Perspectives économiques régionales, Moyen-Orient et Asie centrale, FMI, octobre 2022.
8. Source: Perspectives économiques régionales pour l’Europe et Perspectives économiques régionales, Région Asie et Pacifique, IMF, October 2022.
9. Source: indice JP Morgan Emerging Market Bond Index (EMBI) Global Diversified, novembre 2022.
Une notation ne présage aucunement de la performance future et peut faire l’objet de variations dans le temps.
L’indice de volatilité du Chicago Board Options Exchange (CBOE) (le VIX) mesure la volatilité attendue à 30 jours du marché actions américain en agrégeant les prix pondérés des options call et put sur l’indice S&P 500 sur un vaste éventail de prix d’exercice.
L’indice ICE BofA Global High Yield réplique la performance de la dette d’entreprise de qualité inférieure à investment grade libellée en USD, CAD, GBP et EUR émise sur les grands marchés domestiques ou des euro-obligations.
L’indice JP Morgan EMBI Global Diversified réplique la performance des titres de créance à taux fixe et variable des marchés émergents liquides et libellés en USD émis par des entités souveraines et quasi souveraines.
L’indice ICE Diversified US Cash Pay High Yield Consumer Non-Cyclical se compose d’obligations de qualité inférieure à investment grade libellées en USD émises par des entreprises dans le secteur de la consommation non cyclique, dont les biens de consommation, les magasins discount, la vente au détail de produits alimentaires et de médicaments, les restaurants et les services aux collectivités.
L’indice ICE Diversified US Cash Pay High Yield Consumer Cyclical se compose d’obligations de qualité inférieure à investment grade libellées en USD émises par des entreprises dans le secteur de la consommation cyclique, dont l’automobile, les loisirs, la promotion et la gestion immobilières, les grands magasins et le commerce de détail spécialisé.
Méthodologie de simulation appliquée aux obligations d’entreprise à haut rendement : pour calculer les performances, nous retenons dans un premier temps le rendement effectif actuel de l’indice ICE BofA Global High Yield. Les spreads du haut rendement sont une fonction des taux de défaut attendus avec un taux de recouvrement présumé de 35% plus une prime d’illiquidité corrélée au VIX. Nous calculons les spreads en fonction des scénarios de défaut et du VIX dans le tableau. Ensuite, nous prenons en compte la variation du spread par rapport au niveau actuel de l’indice que nous multiplions par la duration de l’indice. Ce résultat est ajouté à/déduit du rendement effectif de l’Indice. Enfin, nous prenons le taux de défaut moins le taux de recouvrement de 35%, puis déduisons ce chiffre du calcul de performance afin d’obtenir la performance attendue de l’Indice. À noter que nous n’établissons pas d’hypothèses quant aux fluctuations des taux d’intérêt.
Méthodologie de simulation pour la dette souveraine extérieure des marchés émergents : les performances de l’Indice pour les obligations souveraines extérieures des marchés émergents se composent des fluctuations des rendements des bons du Trésor américain, des fluctuations des spreads de crédit sur les marchés émergents et du portage issu du positionnement long sur l’indice JP Morgan EMBI Global Diversified durant la période de détention. Nous prenons en compte la variation des rendements et des spreads, multipliée par la duration de l’Indice, que nous ajoutons à/soustrayons ensuite du rendement de l’Indice pour obtenir les performances attendues de l’Indice.