Résumé
La stratégie de l’Union européenne (UE) en matière de développement durable se trouve à la croisée des chemins ; de nombreux choix décisifs doivent être faits, lesquels auront des impacts déterminants pour les investisseurs. Dans un document de réflexion publié récemment, la Commission européenne (CE) souligne qu’elle table sur une croissance économique robuste au sein de l’UE, portée par la transition vers un modèle durable et l’innovation des entreprises
Par l'équipe Stratégie ESG mondiale d'AllianzGI 1
La stratégie de l'Union européenne (UE) en matière de développement durable se trouve à la croisée des chemins ; de nombreux choix décisifs doivent être faits, lesquels auront des impacts déterminants pour les investisseurs.
Dans un document de réflexion publié récemment, la Commission européenne (CE) souligne qu'elle table sur une croissance économique robuste au sein de l'UE, portée par la transition vers un modèle durable et l’innovation des entreprises.2
Réflexions de la Commission européenne en faveur de la croissance durable
Dans un récent document de réflexion publié en 2019, la Commission considère les objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) comme une boussole pour parvenir à une croissance économique prospère dans l'UE.
Elle mise fortement sur les avancées de l'innovation dans le domaine du développement durable et sur la transformation des activités industrielles et des entreprises. Des technologies et des solutions innovantes sont indispensables pour faire face à la complexité des défis environnementaux, d'autant plus que
l'UE est également sensible aux conséquences sociales de grande ampleur qu’entraînera la transition rapide vers une croissance plus durable, facteur de coûts potentiels à court terme pour ses citoyens et ses entreprises.
Sur le plan international, les réflexions de l'UE sur les ODD portent également sur le rôle que peut jouer le développement durable en vue d'accroître son indépendance stratégique ainsi que sur les possibilités d'exportation en dehors de ses frontières.
Des idées pour encourager une croissance prospère grâce à l'innovation et à l'investissement au service du développement durable
Comment l'UE peut-elle prendre sa part du gâteau et comment les investisseurs peuvent-ils contribuer au financement des 6 000 milliards de dollars annuels nécessaires pour réaliser les 17 ODD d’ici 2030 ? Selon nous, il appartient avant tout au secteur privé de transformer cette transition en opportunités commerciales, tandis que le rôle premier de l'UE est d’accompagner et d’accélérer cette transformation. Pour ce faire, il est souhaitable que l'UE affiche des orientations claires, assorties d'objectifs politiques et économiques bien définis.
L'accès au capital et aux opportunités d’investissement est un facteur déterminant. Par exemple, les programmes de partenariats publics-privés (PPP) qui associent différents investisseurs actifs peuvent, selon nous, mettre les ODD à la portée des investisseurs de long terme en générant un flux de projets d'envergure bien plus large. Pour y parvenir, l'UE pourrait encourager l'essor des communautés de la connaissance et de l’innovation (CII) qui privilégient les investissements plus durables*. Le rôle des investisseurs à long terme, tels que les fonds de retraite et les assureurs sera déterminant.
Le développement durable au sein de l'UE4
Graphique n° 1
Évolution du PIB et de l'emploi générés par l’économie de
l'environnement, dans l'Europe des 28, comparée aux
chiffres de l'ensemble de l’économie 8b
Graphique n° 2
Consommation d’énergie dans les États membres de l’UE-28
entre 1990 et 2016 10
Questions clés
A la croisée des chemins, l'UE doit encore clarifier sa stratégie en matière de développement durable
Si l'UE considère les ODD comme un indicateur général de la direction à donner à son économie, les investisseurs cherchent des réponses aux questions suivantes :
- Comment faciliter l'accès aux financements privés pour les entreprises pionnières dans le développement des technologies durables ?
- Quels leviers pourraient inciter les petites, moyennes et grandes entreprises à proposer des services et des produits durables
innovants dans une optique de transformation des modèles économiques ? - Comment l’UE envisage-t-elle d'améliorer l'accès/l'offre d'investissements axés sur les ODD pour les investisseurs privés ?
- Partenariats Public-Privé (PPP) : quelles autres missions peuvent-ils remplir, s'agissant en particulier de la Banque européenne
d'investissement, du Fonds européen pour le développement durable ou du Fonds européen pour les investissements stratégiques ? - La fiscalité est un levier puissant pour réaliser des objectifs politiques : comment mieux mettre à profit une politique budgétaire
axée sur la durabilité pour atteindre plus facilement les objectifs mondiaux de développement durable ? La Coalition des
ministres des finances pour l'action climatique doit-elle être encore élargie ?
Pour aborder ces défis du développement durable, nous présentons les trois scénarios potentiels susceptibles de tracer la feuille de route pour une Europe durable, du point de vue de l’investissement.
1 | L'UE adopte une approche économique et politique non contraignante pour promouvoir le développement durable |
Dans ce scénario, l'UE interviendrait peu, voire pas du tout, dans les activités du secteur privé. Par conséquent, les transformations économiques et les innovations en matière de développement durable nécessaires dépendraient intégralement des capacités et de l'appétit du secteur privé.
Ce scénario présenterait l'avantage de prévenir les comportements opportunistes et les effets inattendus d'une éventuelle distorsion de marché induite par les subventions. En revanche, il pourrait freiner la progression du programme pour une Europe durable ; le secteur privé pourrait aussi passer à côté de certaines opportunités, l'UE prendrait alors du retard sur la voie du développement durable, semblable au retard pris dans d’autres innovations technologiques telles que l'intelligence artificielle.
2 | L'UE émet des recommandations fondées sur des principes pour promouvoir le développement durable et apporte son soutien |
"Plutôt que de demander ce qui doit être réglementé, nous devons nous demander ce que l’investissement privé peut
d’ores et déjà réaliser sans réglementation."
L'UE pourrait plutôt adopter une démarche de soutien à la transition vers une économie durable. Si davantage de clarté sur la politique de l'UE et ses objectifs économiques est souhaitable, l'Union pourrait atteindre l'équilibre en matière de
développement durable en mettant l'accent sur la définition d'orientations, la collaboration et les mesures de soutien. Elle pourrait par exemple fixer le prix du carbone plutôt que de dicter la manière dont le risque carbone doit être évalué.
Ce type de mesure pourrait instaurer une écosphère prospère où les innovations des entreprises axées sur la croissance
durable répondraient à la demande d’investisseurs en quête d'opportunités à long terme attrayantes. Les investisseurs actifs doivent être incités à cibler les opportunités offertes par les solutions véritablement durables qui s'inspirent des innovations de la recherche & développement.
Il faut être au moins deux pour entrer dans la danse du développement durable. C'est pourquoi, si l'UE devait s'engager sur cette voie, en développant par exemple les PPP et les CII, les entreprises, les start-up et les investisseurs auraient également un rôle déterminant à jouer. Grâce au Plan d'action européen pour une finance durable, l'Union a mis en place les éléments clés de l’investissement durable (système de taxonomie, obligations vertes, indices climat, écolabel de l'UE pour les produits financiers verts). Il serait même possible de sauter des étapes dans le cadre de la généralisation de cette approche, en élargissant la cible des impacts au-delà des questions environnementales, pour prendre en compte de nombreux autres objectifs parmi les 17 ODD.
3 | L'UE encourage fortement les innovations dans le domaine du développement durable et leur adoption par les acteurs économiques |
Si ce scénario politique se concrétisait, l'UE octroierait d’importantes subventions et un soutien financier significatif aux entreprises misant sur le développement durable. Pour que les idées novatrices et la croissance mûrissent, l'UE devrait réorienter ses subventions des secteurs de la "vieille économie", tels que le charbon thermique, vers la "nouvelle économie", en mettant l'accent sur la réalisation des objectifs de durabilité. En outre, de nouveaux mécanismes fiscaux pourraient être mis en place, tels que la taxe carbone et des règles de distribution des dividendes propres à l'UE ; ces mesures pourraient s’inspirer des recommandations de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone qui ont obtenu l'approbation de plus de 2 500 économistes américains renommés, à l'initiative de l'ex-présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen.10
Cette approche s'attaquerait au paradoxe temporel inhérent à la plupart des enjeux de développement durable, tels que la lutte contre le changement climatique, qui exigent des actions immédiates alors que les incitations à l'innovation et à l'investissement offertes par le marché sont insuffisantes, voire inexistantes. À contrario, elle présenterait le risque d'encourager l’opportunisme, de ne pas favoriser l'innovation véritable et de susciter la grogne des populations mécontentes de la pression fiscale et de la complexité administrative perçue comme beaucoup trop bureaucratique.
Course mondiale en faveur la croissance durable : les perspectives du développement durable à l'échelle internationale
Si l'UE parvient à s’affirmer en tant que leader international des technologies et de l'innovation durables, notamment sur le plan des normes et des solutions de financement, le développement durable deviendra pour elle un produit commercial. Grâce à son statut de pionnier, son exportation à l'échelle mondiale aura la capacité de stimuler encore davantage la croissance du PIB au sein de l'UE. D'autres effets positifs pourraient venir du Système de préférences généralisé ; l'Union pourrait profiter des retombées de la conclusion de nouveaux accords commerciaux et des opportunités d'investissement direct à l'étranger dans les pays se tournant également vers une croissance durable.
S'agissant des normes financières, un rapprochement peut être fait avec l'adoption généralisée à l'échelle internationale des IFRS (International Financial Reporting Standards), que l'UE a fortement encouragés.
À moyen terme, la coopération de l'UE avec la Chine et d'autres pays sur les questions de durabilité est primordiale pour les investisseurs, surtout en cas de développement de normes communes afin de faciliter les investissements transfrontaliers et les joint ventures portant sur des enjeux de développement
durable ainsi que la cotation d'émetteurs de financements verts, par exemple. À long terme, le rôle de l'UE dans le domaine de la durabilité peut se transformer sous l’influence du continent africain ; la nouvelle alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables pourrait offrir de
nouvelles opportunités d'investissement, jusqu'ici ignorées.
Dans l'arène économique mondiale, l'économie de l'UE parviendra-t-elle à se hisser en première place en termes de développement durable, en se montrant capable d'accélérer la croissance de son PIB et de maintenir son empreinte écologique à l'équilibre (comme le montre le graphique n° 3) ? La question
n'est pas tranchée et l’enjeu est de taille. L'UE est en position favorable sur la ligne de départ, mais doit faire les bons choix rapidement.
Graphique n° 3 : empreinte écologique des pays par rapport à l'indice de
développement humain 12, une course qu'il faut mener en tête.
1 Les idées et opinions exprimées dans le présent document, susceptibles d'évoluer à tout moment, sont celles de son auteur, l'équipe Stratégie ESG mondiale,
au moment de la publication du document et ne reflètent pas nécessairement les avis de l'éditeur et/ou de ses sociétés affiliées.
2 Commission européenne, Document de réflexion "Vers une Europe durable", 2019.
3 Garrido, L., Fazekas, D., Pollitt, H., Smith, A., Berg von Linde, M., McGregor, M., et Westphal, M., 2018. Publication prochaine. "Major Opportunities for Growth
and Climate Action: A Technical Note. A New Climate Economy contributing paper." (Principales opportunités pour la croissance et l'action en faveur du climat :
note technique. Document contributif pour une nouvelle économie climatique.)
4 Nous excluons de l'analyse les autres thématiques de développement durable, telles que l'éducation, la pauvreté, etc., soit parce que l'UE fait déjà partie des
leaders sur ces questions, soit parce que les méthodes de mesure sont en cours d'élaboration.
5 Commission européenne, "Deux ans après Paris : progrès par rapport aux engagements de l'Union en matière de climat", 2017
6 Commission européenne, "Le cadre financier pluriannuel 2021-2027"
7 Commission européenne, "A Clean Planet for all, A European strategic long-term vision for a climate neutral economy" (Une planète propre pour tous -
une vision stratégique européenne à long terme pour une économie neutre pour le climat), 2018
8 Source : Eurostat a) nrg_ind_ren b) env_ac_egss2, env_ac_egss1, nama_10_gdp, nama_10_peorg_cropar c) Équilibres énergétiques
9 Commission européenne, "Budget de l'UE : la politique agricole commune après 2020"
10 Leadership en matière de tarification du carbone, https://www.carbonpricingleadership.org
11 Source : Eurostat (nrg_110a)
Accélerer la croissance grâce au développement durable |
Résumé
Comment contribuer au financement de la transition énergétique ? Episode 1 : les green bonds.