De l'importance du changement climatique pour les investissements

04.05.2020
Anticiper l'impact

Résumé

À l'heure où les investissements durables sont en plein essor, quels conseils donner aux investisseurs ? Retrouvez l'interview de Beatrix Anton-Grönemeyer.

 

La pandémie de coronavirus met-elle en difficulté l'investissement durable ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : La crise sanitaire actuelle focalise bien évidemment l'attention de tous les acteurs. Des vies sont en jeu et nous devons empêcher l'économie et des millions de personnes de plonger dans une spirale sans fin. Je pense toutefois que la durabilité économique et financière continuera de gagner en importance. Les critères ESG et les investissements durables figurent de longue date parmi nos grandes priorités et gagnent en popularité depuis un certain temps maintenant. L'année 2019, avec notamment le mouvement « Fridays for Future », a d'ailleurs poussé de nombreuses personnes à revoir leur façon de penser. La crise actuelle, qui nous fait prendre conscience de notre vulnérabilité, n'infléchira pas cette tendance. Le thème de la durabilité revêtira une importance croissante, puisque le défi mondial du changement climatique se pose plus que jamais.

Quelle est l'importance du changement climatique pour les investissements ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : La question climatique devient incontournable dans le monde de l'investissement actuel. La recherche sur les marchés financiers se penche depuis longtemps sur la question, initialement dans le but d'identifier des actifs devenus inexploitables (stranded assets). Ce concept désigne des entreprises ou des classes d'actifs entières qui perdent de la valeur dans la mesure où leur modèle d'affaires est obsolète, voire carrément banni par les mesures de protection du climat. L'abandon des combustibles fossiles en est un exemple. Au-delà de cela, il convient d'adopter une vision claire des risques climatiques physiques. L'arrêt des chaines d'approvisionnement des suites d'événements météorologiques extrêmes pose un problème majeur dans le cadre d'une économie mondiale interconnectée. L'objectif de limitation du réchauffement climatique à moins de deux degrés au-dessus des niveaux de l'ère préindustrielle ouvre également des opportunités d'investissement.

Vous voulez parler des énergies renouvelables ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : La transition énergétique mondiale en est sans aucun doute l'élément moteur. Les besoins en financements dans ce domaine sont considérables. Mais les opportunités d'investissement vont toutefois bien plus loin que cela et impliquent de nouveaux modèles d'affaires et produits ainsi que de nouvelles technologies en vue d'une utilisation plus efficiente de nos ressources naturelles. La question concerne tous les secteurs et les innovations ne sont pas nécessairement l'apanage des start-ups. AllianzGI gère depuis cinq ans une stratégie qui se concentre spécifiquement sur le potentiel de la transition
énergétique. Nous investissons dans des entreprises qui ont déjà réduit leurs émissions de manière drastique, qui ont pris des engagements très ambitieux et crédibles dans ce sens ou qui proposent des solutions permettant de réduire les émissions de CO2 de manière générale. L'ambitieuse loi de transition énergétique en France en a donné l'impulsion à l'époque.

Les interventions de l'État et la régulation sont-elles toujours nécessaires pour rendre les investissements durables financièrement attrayants également ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : Il est désormais largement démontré que l'investissement durable ne se fait pas au détriment du rendement. On observe au contraire une prédominance des facteurs positifs, notamment parce que les investissements durables présentent un risque de baisse plus faible. La rentabilité des investissements durables n'est donc nullement liée à une quelconque intervention des pouvoirs publics. Il faut cependant s'attendre à voir fleurir les réglementations en matière de développement durable et de protection du climat en particulier. C'est précisément la sauvegarde à long terme de nos services publics au sens large qui pose le plus de difficulté pour les pouvoirs publics et les autorités législatives. La confiance et la prévisibilité pour l'ensemble des acteurs passent par conséquent par la transparence et l'uniformité des normes. La taxonomie de l'UE, qui fournira à partir de 2021 des règles contraignantes sur ce qui peut être considéré ou non comme une activité durable, constitue à cet égard une étape importante. Elle se reflétera également sans aucun doute sur les exigences de transparence pour les investisseurs et au bout du compte dans les solutions de placement. Au vu de leurs interactions, les questions climatiques et environnementales ne peuvent pas être traitées séparément, autrement dit sans tenir compte des aspects sociaux et de gouvernance.

Pour peu, on pourrait presque croire que tous les gestionnaires d'actifs ont une approche verte et durable. Où les investisseurs peuvent-ils trouver des informations et des conseils ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : Il est vrai que nous sommes actuellement dans le flou le plus total sur la question. S'agissant des produits, un écolabel européen normalisé devrait être instauré en 2021. Il permettra de classer les produits d'investissement de manière transparente et cohérente et de réduire le greenwashing à l'échelle de l'UE. Mais aujourd'hui déjà, les investisseurs disposent de moyens pour faire le tri parmi les différents gestionnaires d'actifs. Cela commence par l'adhésion aux Principes pour l'Investissement Responsable, développés sous les auspices des Nations unies en 2006. AllianzGI figurait parmi les 50 gestionnaires d'actifs signataires. Lors de l'évaluation annuelle de l'association PRI, nous avons d'ailleurs reçu la meilleure note pour notre stratégie et notre
gouvernance en matière d'ESG trois années de suite. Nous avons également structuré notre gamme de produits de manière très claire dans une optique de transparence pour nos clients.

Toutes vos activités ne sont-elles pas durables ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : Nous proposons une large gamme d'investissements, afin de répondre aux différentes exigences de nos clients. Nos solutions s'organisent globalement en trois catégories : l'impact, l'ISR et l'ESG intégré. Dans le cadre des investissements d'impact, par exemple, les investisseurs ont la possibilité d'avoir un impact écologique ou social mesurable, clairement attribuable à leur investissement, en plus du rendement financier. Pour ce qui est des investissements sur les marchés privés et des obligations vertes, nous sommes en mesure de documenter cet impact en conséquence. Nos stratégies d'ISR visent à obtenir un bon rendement tout en optimisant le profil de durabilité du portefeuille. En plus de certaines exclusions minimales, par exemple dans le domaine des droits de l'homme, une approche « best in class » et « best efforts » est notamment utilisée.

« Best efforts », ça sonne un peu comme « a fait ce qu'il pouvait (...mais n'a pas réussi) » ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : C'est l'inverse, car dans ce cas le gérant du fonds peut utiliser activement le potentiel de surperformance d'une stratégie ISR en sélectionnant des entreprises de l'univers d'investissement qui, pour de bonnes raisons, dépensent beaucoup d'énergie dans l'amélioration substantielle de leur profil ESG afin d'améliorer leurs résultats commerciaux.

Comment trouver de telles entreprises dans la pratique ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : C'est là que notre approche active porte ses fruits, car nous utilisons une grande quantité de ressources pour analyser les titres et nous menons des discussions très intensives avec les représentants des entreprises au sujet de leurs modèles commerciaux, leurs opportunités et leurs risques. La durabilité y joue un rôle de plus en plus important. Dans le cas de notre troisième approche, l'ESG intégré, l'optimisation du profil rendement/risque figure
au centre de nos préoccupations. Nous voulons utiliser celle-ci pour éviter les risques de pertes extrêmes liés aux facteurs ESG et mieux comprendre où en sont réellement les entreprises à l'égard des facteurs ESG importants. De plus, cette profondeur de contenu nous aide également à défendre les intérêts de nos clients.

Comment ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : Notamment par le dialogue critique avec les entreprises qui est mené par nos gérants de portefeuille et nos analystes à travers le monde et qui n'est pas réservé à l'équipe ESG. Ou encore par le vote aux assemblées générales. L'année dernière, nous avons voté lors de plus de 9 500 assemblées générales et dans trois quarts des cas, nous avons voté contre les propositions de la direction sur au moins un point de l'ordre du jour. Notre bilan de vote en matière de protection du climat est également clairement perceptible de l'extérieur. Nous avons été classés deuxièmes sur 57 gestionnaires d'actifs internationaux dans le cadre d'une analyse conduite par l'organisme indépendant ShareAction. D'autres acteurs, plus présents dans
les médias, sont probablement moins bien classés.

Les intérêts de vos clients, les investisseurs, ne devraient-ils pas peser plus lourd que la protection du climat lors des votes en assemblée générale ?

Beatrix Anton-Grönemeyer : Nous évaluons chaque proposition en fonction de ses propres mérites et faisons rapidement connaître la teneur de notre vote sur notre site Internet. Lors du vote, nous devons nous concentrer sur la compétitivité à long terme des entreprises, un enjeu qui n'entre pas en conflit avec la protection du climat et les intérêts des actionnaires. La réalisation des objectifs climatiques de Paris figurera en haut de l'agenda pour les années et les décennies à venir, pour nous comme pour l'industrie dans son ensemble. Certains investisseurs institutionnels, comme notre propre société mère, vont de l'avant avec la Net-Zero Asset Owner Alliance et désirent décarboniser complètement leurs portefeuilles d'investissement d'ici 2050. La mission n'est pas aisée, mais elle bénéficie d'un énorme effet de levier au niveau de l'engagement et nous entendons mettre tout en oeuvre pour soutenir et accompagner avec succès nos clients dans cette voie.

Le coronavirus pourrait changer notre façon de penser le développement durable

05.05.2020
Anticiper l'impact

Résumé

La pandémie de coronavirus a suscité des réactions exceptionnelles de la part des gouvernements, des ONG, des entreprises, des professionnels de la santé et des citoyens. Cette crise a également mis en évidence les vulnérabilités de nos économies et de nos systèmes. À l’avenir, nous pensons que les investisseurs utiliseront de plus en plus le développement durable comme un prisme pour mettre en évidence les principaux risques mondiaux et tester la résilience des entreprises et des infrastructures. Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) deviendront encore plus importants. Cette crise pourrait modifier les priorités des entreprises - et des investisseurs ...

  • La demande accrue du public pour des soins de santé adéquats devrait permettre de surmonter les inquiétudes concernant les coûts élevés, ce qui entraînera une modification générale des modèles de soins de santé.
  • La disruption du commerce mondial peut conduire à mettre davantage l’accent sur les entreprises locales et sur des chaînes d’approvisionnement plus courtes et plus contrôlables.
  • Les entreprises qui prennent des mesures proactives pour soutenir leurs clients et leurs employés pendant la pandémie devraient en bénéficier lorsque la crise s’estompera.
  • Dans ce contexte, les questions environnementales pourraient passer au second plan, les pays accordant la priorité à la reprise économique. Toutefois, ces sujets devraient revenir rapidement.

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